Shaun Seneviratne s'accorde avec Keith Jenson dans Ben and Suzanne
Premier long métrage du scénariste et réalisateur Shaun Seneviratne, le film Ben and Suzanne : A Reunion in 4 Parts raconte le conflit entre amour et devoir. Ben (Sathya Sridharan) prend des risques pour raviver sa relation avec Suzanne (Anastasia Olowin), qui ne peut échapper à ses obligations professionnelles. Cherchant à créer un film plus réaliste que les comédies romantiques aux apparences souvent artificielles, Seneviratne a décidé d'employer des non-acteurs dans tous les rôles, sauf pour les personnages principaux.
Venant enrichir les décisions prises par Seneviratne lors de la préparation du tournage et sur le plateau avec la cheffe opératrice Molly Scotti, le coloriste de Light Iron Keith Jenson a contribué à peaufiner le langage visuel lors de l'étalonnage final, qui a eu lieu à Light Iron New York avant la première mondiale du long métrage au festival du film SXSW 2024. Seneviratne et Jenson partagent avec nous leur regard sur cette collaboration mémorable.
Light Iron : Shaun, qu'est-ce qui vous a amené à faire appel à Light Iron pour Ben et Suzanne ?
Shaun Seneviratne : Notre producteur Doron JéPaul Mitchell a un ami commun avec Freddy Hernandez, vice-président du développement commercial chez Light Iron. Nous avons senti la passion et le soutien de Freddy pour le cinéma indépendant, et les vibrations étaient positives ! Nous avons eu la sensation que Light Iron était l'endroit où nous devions aller.
Comment avez-vous abordé ensemble l'aspect souhaité pour le projet pour vous assurer que vous le conceviez tous les deux de la même manière ?
Seneviratne : Je voulais que le film ait l'aspect d'un véritable documentaire, plus particulièrement d'un film tourné dans les années 60 ou 70, comme Tokyo Olympiades, ou encore les films de Jean Rouch et d'Éric Rohmer. Nous tenions à ce que les choses restent naturelles et cinématographiques ; nous ne voulions pas appliquer des tendances et des styles plus modernes. Nous n'avions pas non plus peur des contrastes et étions très attirés par l'idée de jouer avec l'obscurité et de laisser des parties du cadre entièrement noires.
Keith Jenson : Lorsque le projet a été lancé, Shaun nous a envoyé des photos de films existants qui lui rappelaient des scènes de son propre film. Il avait déjà une idée très précise des tons et des ambiances qu'il souhaitait obtenir.
Nous nous sommes téléphonés pour pouvoir examiner les références et en discuter. Au cours de cet échange, Shaun et moi avons découvert que nos références dans le registre de la musique obscure et confidentielle présentaient de fortes similitudes. Étant créatifs, nous avons rapidement réalisé que si nous étions tous deux attirés par ces centres d'intérêt de manière indépendante, nous serions probablement en mesure de communiquer efficacement nos idées de couleurs les plus abstraites et les plus ésotériques - en somme, nous pourrions adopter une sténographie créative dans le studio pendant nos séances de travail. Je pense pouvoir parler en notre nom à tous les deux en disant que nous sommes sortis de cet appel enthousiastes à l'idée de commencer à collaborer !
Seneviratne : Keith nous avait fait part de son travail sur Eyimofe, qui était tout à fait dans la veine de ce que nous essayions de réaliser. De plus, grâce à son expérience dans le domaine du cinéma et du télécinéma, il avait une vision réaliste de la manière dont nous pouvions obtenir un rendu cinématographique naturaliste.
Quels ont été vos principales priorités en termes d'étalonnage des couleurs ?
Seneviratne : Les degrés d'ombre et de lumière, la saturation, les paramètres de texture propres au film réaliste et la manière d'aborder les scènes nocturnes, un élément pour lequel nous nous sommes permis une certaine ouverture stylistique.
Jenson : Nous avons vraiment cherché à obtenir un aspect filmique authentique, avec des couleurs et des contrastes forts. Le film lui-même comporte des intertitres sur des arrière-plans aux couleurs vives, et nous ne voulions pas que ces éléments soient perçus comme décalés en apparaissant à l'écran. Le reste du film devait donc présenter des couleurs primaires très marquées et une saturation équilibrée. Pour obtenir ce résultat, nous avons utilisé la palette d'outils de DaVinci Resolve. Nous avons créé notre propre LUT en adoucissant les ombres, en appliquant des effets de halo et de grain de film. J'aime superposer différents niveaux de granulation pour aboutir à un aspect plus photographique qui se rapproche moins de la texture rendue par un filtre de surimpression.
Seneviratne : Keith nous a expliqué ce que certains font parfois à tort avec le grain de film, à savoir appliquer un grain uniforme sur l'ensemble de l'image. Pour véritablement imiter le grain d'un film, il faut tenir compte de son comportement dans les hautes lumières, les tons intermédiaires et les ombres.
Quelles sont les dernières réflexions que vous aimeriez partager au sujet de votre collaboration ?
Seneviratne : Keith est un type formidable avec qui il a été facile de travailler. Il a beaucoup de goût et une grande perspicacité. Notre productrice chez Light Iron, Bonnie Gross, a également joué un rôle déterminant dans le déroulement du projet, s'assurant à tout moment que les choses se passaient bien et de façon très fluide.
Jenson : Travailler avec Shaun, [le monteur] Joe Violette et Doron a été un véritable plaisir. Nous avons passé de très bons moments en studio lors de séances qui ont été particulièrement mémorables pour moi. C'est l'un des projets les plus amusants que j'ai eu à étalonner - tout s'est déroulé sans accroc lors de nos sessions. Cela est dû en grande partie à Bonnie Gross, qui nous a aidés à gérer l'ensemble du projet. Elle a même réussi à dénicher de gros chocolats Toblerone pour faire une surprise à tout le monde lors de notre dernière session - une barre Toblerone de taille démesurée figure dans un passage du film. Bonnie et moi serions ravis de travailler à nouveau avec Shaun et son équipe !