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Battle Stations

Shelly Johnson, ASC, filme en 8K grand format avec des objectifs DXL et Sphero 65 pour filmer de près les scènes du drame naval « USS Greyhound : La Bataille de l'Atlantique​​​​​​​ ».

Le film d'action de la Seconde Guerre mondiale USS Greyhound : La Bataille de l'Atlantique embarque le public à bord d'un destroyer américain aux côtés de son capitaine et son équipage héroïque mais inexpérimenté, dans leur lutte pour protéger un convoi de navires marchands contre la menace des sous-marins allemands dans l'Atlantique Nord. Il s'agit d'un récit fictif dans lequel l'authenticité était primordiale. Inscrite dans le scénario écrit par Tom Hanks - qui joue également le rôle du commandant de la marine Ernest Krause - cette authenticité a été affirmée tout au long de la production par le réalisateur Aaron Schneider et le directeur de la photographie Shelly Johnson, de l'ASC.

« Notre film est très procédural », explique Johnson. « Le dialogue est chargé d'un jargon technique sur les commandes de gouvernail et les coordonnées nautiques, mais la véritable histoire se trouve entre les lignes et concerne l'impact de ces actions sur l'équipage. De nombreux ordres du capitaine sont des décisions instinctives prises sur le vif, avec des conséquences de vie ou de mort. Afin de retranscrire l'héroïsme et la vulnérabilité des personnages, nous devions donner le contexte historique de l'histoire au public. Nous devions leur apprendre cette langue. »

Schneider a chargé Johnson de rechercher un maximum d'information sur les mécanismes des opérations maritimes : comment organiser un assaut, savoir quand les niveaux de menace sont élevés, et même comment fonctionne la navigation par sonar. « Pendant le tournage du film, Aaron voulait que je lui dise si quelque chose avait besoin d'être clarifié », déclare Johnson. « Par exemple, si le script de Tom demandait au navire de manœuvrer de 30 degrés à tribord, mon travail était de m'assurer que les procédures effectuées sur la passerelle étaient correctement représentées à l'écran. Si je trouvais un endroit où le public pouvait se tenir dans la salle de pilotage [la passerelle de commandement du destroyer], alors mon travail était bien fait ».

Une réplique de la passerelle a été construite sur place en Louisiane. L'exiguïté du décor intérieur 10'x18' - rempli de cartes, de roues, de compas et d'autres instruments, sans oublier un caméraman, un 1er Assistant camera et des acteurs en tenues d'époque et adaptées au climat - a naturellement influencé les décisions des réalisateurs concernant les images du film. Pour pouvoir se rapprocher des personnages, et en particulier de Krause, du point de vue duquel l'histoire est racontée, Schneider tenait à tourner en grand format. 

« Plus le format est grand, plus la distance focale utilisée pour obtenir la prise de vue idéale doit être grande », explique Schneider, qui était directeur de la photographie avant de devenir réalisateur et qui reste membre de l'ASC. En utilisant une plus grande distance focale plus proche de l'acteur, dit-il, « on peut en fait faire un film plus intime sur le plan humain ». C'était particulièrement important pour notre histoire, qui se déroule dans les limites d'une passerelle de la Seconde Guerre mondiale.

« Si nous étions dans un coin sur Greyhound, poursuit-il, au lieu d'utiliser un objectif 24 mm, nous pourrions utiliser un 35 ou 40 mm et obtenir à peu près la même prise de vue, mais avec une longueur focale plus naturelle qui ne donne pas l'impression de regarder par le judas d'une porte. Cela nous a permis de nous mettre à côté de Tom et de lire les réactions sur son visage, ce qui montre le poids des décisions que [Krause] a dû prendre. Greyhound est une analyse de personnage, je voulais donc que le public soit proche des acteurs. Le grand format traduit cette proximité en intimité. »

« Ce que nous cherchions avant tout avec le grand format, c'était surtout la qualité de l'image, pas spécialement les détails », explique Johnson. « L'avantage d'avoir la caméra dans cette zone de 2 à 3 pieds [de l'acteur] est qu'avec la plus longue distance focale, cela ajoute une profondeur de texture à la scène. C'est quelque chose que le public décèlera de manière presque subliminale. »

Sachant que le décor et l'histoire exigeaient également une approche intime et artisanale, « la maniabilité a certainement joué un rôle dans notre choix de caméra », explique Johnson. « Je savais que je voulais un capteur de taille VistaVision et, idéalement, filmer en 8K. Cela m'a conduit directement au DXL [Panavision Millennium]. Il ne s'agit pas seulement d'un ordinateur sur lequel est monté un objectif, mais d'une véritable caméra de production. Vous pouvez l'emmener au cœur d'une production avec tous les modules et entrées qui facilitent grandement le tournage. De plus, le service et l'assistance complets de Panavision sont toujours rassurants pour tout projet ».

Pour son ensemble d'objectifs, Johnson s'est tourné vers la gamme Sphero 65. « Je les ai choisis parce qu'ils font tout ce qu'un vieil objectif fait exceptionnellement bien », partage-t-il. Ils présentaient ces "imperfections" uniques, des distorsions et des anomalies au lieu d'une séparation nette des couleurs. Quand on arrive au bord du visage, il n'y a pas cette sensation de découpe. Tout se fond. Ça fait très analogique. Nous n'avons pu les obtenir qu'à la dernière minute car ils sont très demandés. David Dodson, [de Panavision], a fouillé dans tous les coins de la Terre pour créer un décor. »

Johnson a surtout utilisé les longueurs focales 35 mm, 40 mm et 50 mm. « Nous avons filmés quelques éléments de loin, comme depuis un bateau de chasse, où nous avons utilisé une plus longue focale », se souvient-il. « Mais la plupart du temps, nous étions juste à côté des personnages, plus précisément de Krause et des visages de la jeune équipe, il était donc tout à fait logique d'avoir une faible profondeur de champ, une mise au point raisonnablement proche et des optiques expressives. »

Des lampes au tungstène ont permis d'éclairer les portes et les hublots du plateau, complétées par quelques sources intérieures plus chaudes, le tout contrastant avec les extérieurs froids, orageux, cyan et gris. « Comme la lumière changeait au gré des déplacements des acteurs de l'intérieur à l'extérieur et de l'heure de la journée, je m'attendais à devoir utiliser des filtres, mais nous n'en avons finalement pas eu besoin », note Johnson. « J'ai trouvé que la science des couleurs du DXL séparait extrêmement bien les tons, tandis que le Spheros les mélangeait d'une manière très naturelle et très belle. La combinaison de l'objectif et de la caméra fait vraiment toute l'esthétique du film. »

Travailler à proximité de l'acteur dans un espace confiné avec des objectifs grand format n'a pas été chose facile pour les opérateurs Don Devine et George Billinger ainsi que pour les 1ers assistants caméra Michael Charbonnet et Ryosuke Kawanaka. « Le travail qu'ils ont fourni était incroyable », dit Johnson. « Selon moi, le format 65 est le plus difficile à utiliser. Même si la distance focale est assez similaire à l'anamorphique (un 40 mm anamorphique est similaire à un 40 mm en 65 sphérique) le 65 mm est beaucoup moins tolérant. Ça fait partie du charme de cet équipement spécialisé. Toute l'équipe travaille pour que le processus créatif du tournage reste pur. » 

Le maniement de la caméra et la mise au point ont été compliqués par le fait que le décor était placé sur un système surélevé qui oscillait continuellement pour simuler le mouvement du navire. « Même dans une scène "statique" où l'acteur se trouve à 3 pieds et est immobile, la mise au point doit passer de 2 pieds à 4 pieds », explique Johnson. « Tout cela a été fait en grande partie au feeling. Le décor bougeait dans un sens, les acteurs dans un autre, et les opérateurs bougeaient aussi. Les assistants pouvait regarder le moniteur, mais eux et le moniteur se balançaient aussi ! 

« Une grande partie de nos actions consistait à libérer la caméra pour que les acteurs puissent courir de l'extérieur, à travers la passerelle, et sortir par la porte voisine jusqu'au pont de l'autre côté », poursuit le chef opérateur. « Le fait de pouvoir faire des panoramiques, tourner et suivre les acteurs aide le public à comprendre l'échelle de l'espace dans lequel l'équipage évolue. Ici, les personnages ne font que quelques pas pour courir d'un côté du navire à l'autre. »

La livraison devait se faire en 4K pour l'Apple TV+ , mais Johnson a capturé en 8K pour tirer pleinement parti du capteur et des optiques grand format. « C'est sur les bords que tout se joue », dit-il. « Nous ne voulions pas perdre le vignettage ou les halos dans les hautes lumières, qui sont plus visibles sur les bords ».

Le film se déroule sur trois jours et deux nuits, une période que le scénario de Hanks structure en une séquence de « quarts » de quatre heures signifiant la rotation de l'équipage sur le pont. Johnson a utilisé ces périodes précises pour construire ce qu'il appelle son « manifeste », qui fournit un plan de programmation de l'éclairage sur le plateau et des conseils essentiels pour les effets visuels. « Aaron voulait que la majeure partie du film se déroule sur des mers et des ciels atmosphériques orageux, mais nous voulions différencier les quarts », explique Johnson. « Sinon, tout aurait été pareil. »

Le manifeste de Johnson détaillait comment la lumière serait influencée par des conditions changeantes telles que le ciel, les embruns, la pluie et l'état de l'océan. « Comme point de départ, nous avons pris la latitude du navire, qui naviguait en novembre, nous savions donc que le soleil se lèverait tard et se coucherait tôt », explique-t-il. « Je me suis demandé "quelle est la couleur de l'aube et change-t-elle d'un jour à l'autre ? Quelle est l'intensité de la couleur de l'horizon ? Quel est le rapport de contraste entre l'intérieur et l'extérieur, et comment le passage du coucher du soleil à l'obscurité modifie-t-il l'éclairage intérieur ?" »

Avec ce manifeste en main, les cinéastes ont ensuite pu programmer un ensemble d'éclairages LED qui entourait le décor et offrait aux acteurs et à la caméra une liberté de mouvement totale. « Chaque quart pouvait avoir sa ou ses propres esthétiques, de sorte qu'il y avait peut-être 20 esthétiques à planifier sur l'ensemble du film », note Johnson.

« Je voulais éviter la lumière verte réfléchie par l'écran vert, nous avons donc opté pour un écran blanc [entourant le plateau] », poursuit-il. « Cela signifie que toutes les réflexions de la lumière à l'intérieur du décor sur les objets métalliques sont réelles. Il a fourni une base solide pour le schéma d'éclairage, et l'équipe VFX a pu s'organiser très efficacement. Cela nous a vraiment libérés et m'a permis de faire entrer la lumière sous n'importe quel angle, et l'équipe électrique qualifiée et moi-même avons pu ajuster et travailler l'intensité des couleurs assez rapidement selon mon manifeste. » 

Pour encore renforcer l'authenticité du film, Johnson a gardé le plafond bas du décor dans le champ et a pu cacher de petites lumières parmi ses conduits, gaines et jauges. « L'association des lentilles Sphero à la caméra DXL et à notre éclairage unique a véritablement défini l'atmosphère de USS Greyhound - La bataille de l'Atlantique », dit-il.

Hormis cinq jours à bord de l'USS Kidd, un navire-musée amarré à Baton Rouge, le film a été entièrement tourné en plateau - ce qui ne se remarque pas grâce l'attention absolue portée aux détails. Chaque jour de tournage, lorsque je marchais sur le plateau et que je montais les escaliers vers la plateforme, je me disais : « Il y a peut-être 150 DP qui aimeraient avoir ce travail, mais c'est moi qui suis ici », se souvient Johnson. « Je suis très reconnaissant d'avoir eu cette opportunité ».

 

Photographie par Niko Tavernise. Toutes les images ont été gracieusement offertes par Sony Pictures Entertainment Inc.