Spot publicitaire : Alexis Zabé, ASC, AMC
L'intérêt que le chef opérateur Alexis Zabé, ASC, AMCporte à la création d'images s'est développé dès son plus jeune âge, alors qu'il grandissait à Mexico. « Je me souviens être entré dans la chambre noire avec mon père », raconte-t-il. « J'ai trouvé cela vraiment amusant : l'obscurité, les odeurs, voir les photos apparaître et le rythme de ce travail très concentré. »
Il a développé cet intérêt au Centro Universitario de Estudios Cinematográficos du Mexique, puis a commencé une carrière de chef opérateur, décrochant sa première grande percée avec, en 2004, le long métrage en noir et blanc du réalisateur Fernando Eimbcke, Duck Season. Zabé se trouve également au générique de Lake Tahoe d'Eimbcke, Lumière silencieuse et Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas et The Florida Project de Sean Baker. En même temps, il a également filmé une grande variété de courts métrages.
Ayant un fils de 2 ans à la maison, Zabé axe depuis peu sa carrière sur la publicité. « J'aime le rythme des publicités », dit-il. « J’ai consciemment choisi de ne pas faire de long métrage ces deux dernières années parce que cela m'empêcherait de voir ma famille pendant trois mois. Surtout avec mon fils si jeune, je me réveille pour aller travailler et peut-être qu'il dort encore, et puis je rentre à la maison et il dort déjà. Mais il commence à comprendre pourquoi je pars, donc je suis plus flexible maintenant pour faire un long métrage que je ne l'ai été ces deux dernières années.
Le chef opérateur a commencé 2021 avec une série de trois publicités tournées consécutivement : un spot pour Klarna (« The Four Quarter-Sized Cowboys ») réalisé par Andreas Nilsson, une publicité pour McDonald's dirigée par Mark Romanek (« Thank You for Driving Thru »), et un tournage pour Evian avec le réalisateur Vincent Haycock. Les premières des publicités de McDonald's et de Klarna ont eu lieu le 7 février lors de la diffusion du Super Bowl, tandis que le spot d'Evian a été réalisé pour le marché européen.
Zabé a récemment pris le temps de discuter entre autre de ces projets avec Panavision.
Panavision : Au début de votre carrière, vous avez pris une année sabbatique pour étudier le yoga en Inde. Qu'est-ce qui vous a fait prendre cette décision ?
Zabé : Quand j'ai fini l'école de cinéma, il y avait une grosse crise économique, et beaucoup de DP au Mexique ont quitté le pays, ce qui nous a offert une énorme opportunité. Nous venions de sortir de l'école et il y avait beaucoup à faire. Alors j'ai travaillé, travaillé et travaillé. J'ai fait beaucoup d'effets spéciaux, et nous travaillions parfois 24, 36 heures d'affilée - juste des heures de fous, et finalement je me suis épuisé. J'avais récemment commencé à pratiquer le yoga avec des amis, et ça m’intéressait vraiment, d'où ça vient, ce que cela fait. Certaines choses se sont alignées dans ma vie qui m'ont permis de partir pendant un an, et j'ai décidé d'aller étudier le yoga et de voyager et de comprendre les choses.
Lorsque vous étudiez en Inde, cela va au-delà des asanas ou de la pratique physique. C'est essentiellement une philosophie de vie. Tout ce que vous faites est influencé par cette connaissance. Vous finissez par pratiquer le yoga tous les jours, à chaque décision. Ça a changé ma vision de la vie, et ça, ça change tout. Ma façon de travailler a fait un demi-tour complet après cette pratique.
En termes des projets que vous choisissez d'entreprendre ?
Zabé : Ouais, finalement. Surtout dans le travail sur les longs métrages, si vous n'y croyez pas pleinement et que vous n'avez pas les bonnes circonstances dans votre vie, c'est difficile à faire, car c'est un énorme investissement en temps, en énergie et en compromis. J'essaie de choisir des films qui essaient de raconter quelque chose que je veux dire au monde. On ne peut pas toujours faire cela. Parfois, on doit faire des choses pour différentes raisons.
Cela a également changé ma façon de travailler avec la lumière. Je suis devenu beaucoup plus flexible à ce sujet. Il s'agit moins de contrôle que de fluidité. Je me souviens quand je suis sorti de l'école, c'était toujours difficile d'obtenir les choses exactement comme je pensais les vouloir. Il fallait contrôler complètement la lumière, et cela me coûtait énormément. Mais maintenant, je commence par ce qui existe déjà, et je le retravaille. J'ai appris à valoriser la réalité. C'est plus une approche d’observation et de flexibilité du travail.
Et pour les prises de vue à la main, cela a été vraiment utile. Je dois garder la ligne pour pouvoir me faufiler dans les coins et recoins et me mettre dans des positions étranges pour trouver des angles. Cela à une grande influence sur vous.
Qu'est-ce qui vous a fait choisir Panavision pour ces trois publicités récentes ?
Zabé : Je travaille avec Panavision depuis pas mal d'années. J'aime vraiment comment Panavision approche la réalisation de films, et j'ai un excellent partenariat avec Rik [DeLisle, responsable marketing chez Panavision Hollywood]. Il m'a vraiment soutenu. Et il y a toujours de nouvelles choses, de nouveaux objectifs ou de nouveaux objectifs anciens à essayer. Lorsque je parle avec Guy [McVicker, directeur du marketing technique] et qu'il effectue des ajustements spéciaux sur les optiques, j'en apprends beaucoup sur un aspect de mon métier qui est vraiment un mystère pour la plupart d'entre nous qui sommes sur le terrain. Comme tout est conçu en interne, les gens ont une réelle connaissance des objectifs, de ce qu'ils peuvent faire et de la façon dont on peut les déplacer. C'est une super expérience.
Ce qui est également cool avec Panavision, c'est que toutes les séries d'objectifs sont différentes des autres. Elles ont toutes leur propre personnalité et leur identité particulière. On trouve toujours quelque chose prêt à l’emploi et on n’a jamais l'impression d'avoir quelque chose de créé en masse. C'est toujours personnel. Cela rend tout le processus plus sympa.
Quel était le concept de base de chaque publicité ?
Zabé : La première publicité était une comédie, avec le réalisateur Andreas Nilsson, qui est vraiment décalé et drôle. Il juxtapose des éléments de la réalité d'une manière très bizarre qui crée ces super petits univers. Il s’agit d’une nouvelle boutique en ligne, Klarna, où vous pouvez acheter et payer en quatre petits versements. Nous avions donc Maya Rudolph déclinées en quatre petites cow-girls, de taille réduite, chevauchant des poneys miniatures. C'est une publicité amusante, très simple, mais qui fait un clin d'œil aux vieux westerns.
Après cela, nous avons tourné une publicité avec Mark Romanek, que j'ai toujours admiré en tant que réalisateur. C'était un spot pour McDonald's. C'est une publicité de l’époque du Covid, il s'agit donc de ce que vous faites dans votre voiture lorsque vous allez chercher de la nourriture et que vous écoutez des chansons et que vous chantez. C'est plus un morceau musical.
Le troisième spot que nous venons de faire était pour Evian. Nous avons travaillé avec Dua Lipa, et nous voulions recréer l'énergie et l'ambiance de ce moment avant une représentation, alors qu'elle répète et fait un réglage du son. Elle a interprété une de ses chansons a cappella. Sa musique est très travaillée et très pop, donc écouter une de ses chansons avec juste sa voix était un régal.
Vous avez tourné les trois spots en grand format avec la caméra Millennium DXL2. Comment êtes-vous pris cette décision ?
Zabé : J'utilise la DXL2 depuis quelques années maintenant. Vous obtenez une très belle apparence filmique. La technologie couleur est vraiment géniale. J'utilise son Film LUT pour prévisualiser ce que nous tournons, puis comme je fais beaucoup d’étalonnage sur le plateau, j'étalonne simplement le produit brut. J'adore les résultats, donc dès que je le peux, je tourne en grand format avec une DXL.
Les caméras numériques ont beaucoup évolué, et maintenant, en tant que DP, nous arrivons à utiliser des caméras grand format, auxquels nous n'avions pas vraiment facilement accès lorsqu'on n’avait que des films 65 mm. Mais nous sommes tous des photographes, nous savons donc ce que c'est que de faire un portrait avec une caméra argentique 6x6. Le tournage en grand format met beaucoup plus d'outils à notre disposition et nous aide à avoir un plus grand vocabulaire.
Vous avez utilisé des objectifs Auto Panatar pour la publicité de Klarna, Sphero 65 pour McDonald's et Série H pour Evian. Quelles caractéristiques voyez-vous dans chacune de ces séries ?
Zabé : J'ai beaucoup aimé utiliser les objectifs de la série H. Je les ai déjà utilisés, et ils sont magnifiques, avec de belles lumières parasites. Ils vous donnent un peu un aspect anamorphique quand vous utilisez des sphériques. Ils ont ce bokeh vraiment pictural et impressionniste. La prestation de Dua Lipa dans la publicité d'Evian est si retenue que nous voulions pouvoir faire de jolis gros plans en grand format.
C'était une nouvelle expérience pour moi d'utiliser les Auto Panatar et les Sphero 65. Pour la publicité de Klarna, nous avons utilisé les Auto Panatar comme un petit clin d'œil car nous faisions un western et ils avaient été utilisés sur Les Huit Salopards. D'un point de vue technique, c'était vraiment agréable d'utiliser le capteur complet de la caméra avec de l’anamorphique. Les objectifs ont une compression de 1.3, vous utilisez donc tout le capteur de la DXL2 [pour obtenir un rapport d'aspect final de 2,39:1].
Pour la publicité de McDonald's il s’agissait de gens qui interprétaient des chansons dans leur voiture, donc il y avait beaucoup de gros plans dans des intérieurs étroits, et la caméra ne pouvait pas être trop éloignée. Je voulais faire des portraits grand angle de près, et Panavision a cet ensemble de Sphero 65 qui avaient été réglés pour un film spécifique qui recherchait les mêmes caractéristiques, ce qui les rendait parfaits pour ce spot. Nous pouvions être à l'intérieur d'une voiture et ne pas avoir à nous battre avec les dioptries, et même si nous utilisions des objectifs avec un très grand angle, parce que c'est un grand format, ce sont de meilleurs objectifs portrait. Vous gardez toujours tout le contexte autour des acteurs, mais vous pouvez également jouer avec la profondeur du champ.
À l'intérieur des voitures pour la publicité de McDonald's, avez-vous été tenu la caméra à la main ou était-elle fixe ?
Zabé : Nous avons fait, autant que possible, des prises de vue à la main, mais à cause du Covid, il y avait certains protocoles à suivre. Comme les acteurs chantaient et qu'ils devaient fermer les fenêtres pour enregistrer leur performance, nous ne pouvions pas monter dans les voitures. Donc, tout plan où ils conduisaient et la caméra était à l'intérieur avec eux, elle devait être fixe. Le Covid a certainement créé de nouvelles limites et nous a fait ajuster notre façon de travailler.
Comment les 1600 ISO natifs de la DXL2 affectent-ils votre lumière ?
Zabé : Les 1600 ISO sont super. Cela aide vraiment de pouvoir utiliser moins de lumière et d'entrer dans des espaces et de capturer des choses que vous ne pourriez normalement pas faire. Et je n’ai pas de problème à les pousser au moins à 3200 et parfois un peu plus. C'est une caméra tellement flexible et très facile à utiliser.
Ce qui est génial avec la cinématographie numérique en général, c'est qu'elle vous ouvre le monde des ténèbres. Il y a une sorte de yin et de yang où le film a vraiment besoin de lumière et est plus beau lorsqu'il est bien éclairé, mais je trouve que le numérique est meilleur lorsqu'il est sous-exposé. Il fonctionne vraiment bien dans des situations de faible luminosité et conserve beaucoup de détails.
Avez-vous toujours utilisé le capteur 8K complet ou avez-vous déjà recadré la caméra ?
Zabé : J'ai toujours utilisé le capteur 8K complet, mais j'aime le fait qu’on puisse recadrer. C'est un bon outil à avoir mais je n'ai pas encore eu de bonne occasion de l'utiliser. C'est aussi agréable de filmer en 8K et d'avoir la possibilité de recomposer plus tard dans le pipeline. Et pour le spot de Klarna avec les quatre Mayas, c'était bien d'avoir le 8K pour la post-production.
Combien de temps avez-vous eu entre ces trois publicités ?
Zabé : Pas grand-chose. C'était vraiment tout à la suite. Klarna était un tournage de deux jours, McDonald's était un tournage de trois jours et Evian était un tournage d'une journée avec un prééclairage d'une journée. Quand j'avais un jour de congé, je faisais du repérage ou j'avais des réunions pour le lendemain. C'était une façon sympa de commencer l'année. Mais quand j'ai fini, j'étais prêt à avoir un peu de temps libre.
Comment avez-vous passé cette pause ? Comment rechargez-vous vos batteries ?
Zabé : Mon temps libre c'est maintenant beaucoup de temps en famille. Je reviens après avoir travaillé pendant trois semaines consécutives, et j'ai un énorme besoin d'être là et de m’occuper des autres. J'ai beaucoup emmené mon fils au parc pour lui apprendre à faire de la trottinette. J'adore patiner, alors on peut sortir ensemble l'après-midi. Il a 2 ans, il a donc, à ce stade, essentiellement passé la moitié de sa vie en quarantaine.
Espérons que des jours meilleurs soient au coin de la rue.
Zabé : Bien sûr, des jours meilleurs arrivent. Quand nous arriverons au bout, j'ai l'impression que nous émergerons comme une société meilleure. Je pense que nous allons regarder en arrière et voir comment cela a ouvert une opportunité pour un monde meilleur, avec plus d'espoir et des changements positifs. Je le sens déjà. Les changements se produisent dans la bonne direction en ce moment. Espérons juste que la pierre continue de rouler, pas seulement ici mais partout.