Pleins feux sur la publicité avec la cheffe opératrice Simona Susnea
C'est son intérêt pour le journalisme puis pour la photographie qui a mené la cheffe opératrice Simona Susnea jusqu'à sa carrière derrière la caméra. Après les images fixes de la photographie, Simona passa aux images en mouvement en étudiant à l'école du cinéma de sa Roumanie natale. Puis, à la National Film & Television School de Grande-Bretagne où elle obtint son master en cinématographie. Depuis son diplôme, Londres est devenue sa base opérationnelle, et c'est sur place qu'elle enchaîne les projets et fait figurer son nom au générique de clips musicaux, de courts documentaires et de publicités.
Parmi ses publicités les plus récentes figure un spot publicitaire de 60 secondes réalisé pour la marque de cosmétiques The Body Shop et l'association caritative End Youth Homelessness en partenariat avec le diffuseur britannique Channel 4. Cette publicité fait partie d'un projet de plus grande envergure appelé « Unseen Kingdoms », qui associe la poésie parlée à des récits intimes sur la vie de jeunes femmes et leur expérience du sans-abrisme. « C'est une campagne très importante, » souligne Simona. « C'est filmé dans un style documentaire avec des personnes réelles, sans aucun acteur. »
Simona Susnea a filmé « Unseen Kingdoms » en quatre jours, deux à Bristol et deux à Londres, en compagnie des coréalisatrices Andrea Kurland et Daisy-May Hudson. Kurland est éditrice en chef pour le magazine Huck et réalisatrice de montage chez TCO London, tandis que Hudson avait précédemment réalisé le documentaire acclamé Half Way, qui relatait sa propre expérience du sans-abrisme. « Elles ont travaillé en parfaite synergie, » souligne Susnea. « Andrea s'occupait davantage de la réalisation créative et Daisy-May était aux côtés des contributeurs [devant la caméra]. C'était une collaboration parfaite. »
Panavision a récemment contacté Simona Susnea pour échanger avec elle sur son expérience de tournage en grand format avec la caméra Millennium DXL2.
La cheffe opératrice Simona Susnea capturée par la DXL2 avec un prisme devant un Primo 70 Prime de 50 mm
Quand avez-vous commencé à travailler avec Panavision ?
Simona Susnea : J'étais chez moi, en Roumanie, et sur le point d'obtenir mon diplôme de l'école de cinéma. J'ai eu la grande chance d'être parmi les derniers étudiants à participer à la classe de maître organisée à Budapest par Vilmos Zsigmond [ASC, HSC]. Je suis restée là-bas, aux studios Korda, pendant environ deux semaines, et Lee Mackey était présent avec des caméras de Panavision Londres. J'ai adoré ces caméras, et c'était la première fois que j'utilisais le format anamorphique pour filmer. Lorsque je suis arrivée en Grande-Bretagne, j'ai contacté Lee, et Panavision m'a aidée tout au long de mon séjour à la NFTS. Travailler avec Panavision va bien au-delà d'une simple collaboration technique. Ils ont vraiment envie d'en savoir plus sur votre projet, et je trouve ça formidable. Vous savez que vous allez voir des personnes qui apprécient votre travail, et en plus, ils possèdent le meilleur équipement et les meilleurs verres.
Pourquoi avoir choisi de filmer « Unseen Kingdoms » avec la DXL2 ?
Susnea : Juste avant que j'apprenne que j'avais été choisie pour cette publicité, j'avais demandé à faire un essai avec le DXL2, ce fut donc un très heureux hasard. Nous avons utilisé différents objectifs, filmé avec la lumière ambiante, et procédé à des tests ISO. La sensibilité de base est de 1600, et après les tests, je savais que je pouvais pousser l'ISO jusqu'à 4000 et obtenir de très bons résultats.
Avoir la possibilité de faire ces tests au préalable m'a donné la confiance nécessaire pour utiliser cette caméra sur un tournage où les délais allaient être très serrés. Je savais que je pouvais compter sur mon matériel. Une grande majorité des personnes avec lesquelles nous avons travaillé étaient mal à l'aise avec l'éclairage ; mais j'avais pu voir ce que donnait la lumière dans la scène, je savais que je pouvais pousser l'ISO, et j'étais sûre d'obtenir la couverture dont j'avais besoin en peu de temps. Nous avons tout filmé à la main ou avec une Steadicam, et le résultat est vraiment bon.
En outre, mon amour de la photographie fait que j'adore le grand format, et j'étais persuadée que ce serait parfait pour mettre en valeur les visages de nos intervenants, ce qui était très important. L'association du verre Panavision avec un grand format fut une expérience exaltante.
Vous avez utilisé la caméra avec des objectifs Primo 70 ?
Susnea : Oui, nous avions emporté tout un ensemble. Pour moi, ces objectifs ont une esthétique à la fois moderne et un peu vintage, et j'aime ça. En plus, il n'y a quasiment aucune distorsion, les reflets sont magnifiques et chauds, et la lumière diffusée très belle. La façon dont ils capturent la lumière me semble moderne tout en restant naturelle. Ils créent une sensation organique très agréable et très similaire à ce que je peux voir avec mes yeux, tout en préservant une netteté qui me plaît énormément. Ils trouvent cet équilibre parfait entre douceur et précision, ce qui peut être compliqué avec des objectifs vintage à moins d'être à un T-stop spécifique. Mais avec les Primo 70, je n'étais pas obligée de filmer uniquement en T4 ; je pouvais passer en T2, et j'ai adoré cette liberté, tout particulièrement vu que je n'avais que très peu de contrôle sur la lumière.
Comment s'est passée votre collaboration avec Andrea and Daisy-May ? Comment se répartissaient-elles le travail ?
Susnea : C'est Andrea qui est à l'origine du concept de « Unseen Kingdoms ». Nous avons passé en revue ses références, puis les miennes, et nous avons créé une planche d'ambiance. Sur le tournage, nos échanges étaient davantage centrés sur l'angle de la caméra et le type d'image à capturer. Avec Daisy-May, nous avons beaucoup fait appel à son expérience des documentaires. Comment obtenir le meilleur des gens devant la caméra ? Comment faire pour qu'ils ne se sentent pas intimidés ? Lorsque nous sommes arrivés, l'une des jeunes femmes s'est écriée, « Oh mon dieu, vous avez tellement de matériel ! », alors que pour nous c'était plus, « Nous avons si peu de matériel ! ». Avec Daisy-May, nous devions nous assurer que les gens se sentent à l'aise devant la caméra, et que les aspects techniques, comme changer une batterie ou un filtre, ne nuisent pas à la fluidité de la scène. Nous voulions créer un échange intime entre la femme et la caméra pour faire ressortir la qualité émotionnelle de la situation.
Quels types de références figuraient sur votre planche d'ambiance ?
Susnea : Notre référence majeure était Fish Tank, car nous souhaitions recréer ce sentiment de proximité et d'intimité. Andrea adore cette référence et la façon dont la caméra est proche du sujet, comme si elle avait une vie propre. J'aime filmer à la main, et c'est aussi l'un de mes films préférés, alors j'ai tout de suite adhéré à l'idée. Il faut ressentir et comprendre le langage de la caméra, la liberté qu'on peut lui donner, et réussir à capturer des moments sans les interrompre pour obtenir différents angles de vue. La caméra était en phase avec la personne. Donc, Fish Tank était notre principale référence en termes de style pour la caméra, et aussi le documentaire intitulé Paris Is Us, qui avait été filmé dans des conditions de très faible luminosité. J'aime cette sensation de plonger au cœur d'un emplacement, de faire corps avec la caméra et les personnages, et de raconter l'histoire. Ce documentaire m'a vraiment marquée.
Aviez-vous des longueurs focales privilégiées ?
Susnea : Dès les tests, l'objectif de 35 mm fut l'un de mes préférés. Il ne crée aucune distorsion du visage, tout en permettant de préserver un très beau contexte derrière la personne, de voir où elle se trouve. Grâce au 35 mm, si nous devions filmer une scène de danse, nous pouvions nous rapprocher du visage de la personne, puis élargir pour avoir de superbes perspectives. Le 35 mm était donc l'un de nos principaux objectifs, mais nous avons aussi beaucoup utilisé le 50 mm, le 80 mm pour les plans plus serrés, et quelques fois le 65 mm.
Simona Susnea utilise la DXL2 sur le lieu du tournage à Londres. (Photo de Benjy Kirkman.)
En raison de la faible luminosité, avez-vous eu tendance à utiliser une ouverture plus large ?
Susnea : Pour les scènes en intérieur, j'étais aux alentours de T2,8 et 2,8½. Je voulais voir dans quel contexte se trouvait la personne, je voulais voir l'environnement. Tout particulièrement lorsque nous filmions en 35 mm en T2,8, l'arrière-plan restait présent. Dans le studio de danse, avec la Steadicam, la lumière naturelle filtrait par les fenêtres. J'avais des diaphragmes sur la caméra, et je basculais le T-stop entre T2,8½ et grand ouvert à certains moments lorsque la Steadicam se rapprochait de son visage ou lorsqu'elle passait dans un coin plus sombre. J'avais une unité manuelle et j'ouvrais un peu sur les plans rapprochés, puis refermais pour les plans plus larges.
Ajustiez-vous l'ISO en fonction de l'environnement ?
Susnea : Oui, énormément. Pour les extérieurs, j'étais entre 500 et 1600, et en intérieur, entre 600 et 4000. Avec ces plages, nous pouvions obtenir d'excellents résultats rien qu'en utilisant la lumière naturelle. Et même avec du bruit, le rendu restait très organique. J'adore la sensation créée par ces images.
Je n'ai pas remarqué de grandes différences lorsque je sous-exposais à 1600 ou 4000. Une scène en particulier a été filmée en 2500, la lumière était assez faible, et lorsque nous avons augmenté le niveau, c'était juste magnifique. La qualité de l'image est vraiment belle. J'ai très envie de faire d'autres essais dans ce sens, de jouer avec la sous-exposition et de voir jusqu'où je peux pousser ma caméra. Quand on tourne un documentaire, on doit s'adapter à une multitude de types de lumières, et profiter au maximum de ce qu'on nous donne. Je suis fan de la façon dont la DXL réagit par faible luminosité.
Cette image a été capturée avec un ISO de 2500 à une résolution de 6K, avec un Primo 70 de 65 mm sur la DXL2.
Avez-vous enregistré plusieurs proxies simultanément avec la DXL2 ?
Susnea : C'est l'une des autres raisons qui font que j'adore la DXL. J'ai déjà travaillé sur un projet pour lequel toute une station DIT avait dû voyager avec nous pour le transcodage. Mais dans le cas présent, vu que nous filmions chez les gens, dans leur maison, j'avais besoin d'une petite équipe, et j'ai donc demandé au premier assistant opérateur, Benjy Kirkman, au chargeur Jakub Rogala, et à l'opérateur de la Steadicam Charlie Rizek, de m'accompagner. Nous avons filmé entre 6K et 8K, selon la longueur focale utilisée, et nous avons pris des proxies pour le montage. C'est génial que l'on puisse faire ça.
De gauche à droite : 1er assistant opérateur Benjy Kirkman, chargeur Jakub Rogala, et Simona Susnea. (Photo de Benjy Kirkman.)
Y a-t-il une scène ou un plan dont vous êtes particulièrement fière ?
Susnea : D'habitude, lorsque je filme, j'essaie d'utiliser un Pro Mist ¼ ou ½, j'aime vraiment la douceur que cela apporte. Mais pour ce projet, j'ai pensé que cela aurait ajouté une touche glamour déplacée au vu du sujet. J'ai donc décidé de ne pas utiliser de filtre sur la caméra. Nous avons tourné une courte scène de danse sur une colline depuis laquelle on a une vue dégagée de Londres. Nous avons filmé cette scène à l'aube, avec un soleil éclatant en plein dans l'objectif. J'étais un peu hésitante à tourner sans le filtre Pro Mist, qui peut rendre une lumière intense plus organique. J'avais peur que les visages soient trop sombres et que l'on ne voie pas grand-chose. Mais au moment de monter la séquence, nous avons été surpris par la plage dynamique et par la quantité de détails sur les visages et dans le soleil, même avec le soleil droit dans l'objectif. En fait, nous avons dû diminuer le niveau sur les visages pour créer davantage de contraste et de séparation !
Simona Susnea capture une scène d'action au lever du soleil. (Photo de Marina Lewin.)
Images gracieusement offertes par Simona Susnea.