Trouver la lumière
Écrit et réalisé par Zach Braff, A Good Person raconte l'histoire d'Allison (Florence Pugh), qui se lie d'amitié avec Daniel (Morgan Freeman), un homme âgé, à un moment où elle est prise de remords et de tristesse après avoir été impliquée dans un dramatique accident. Pour réaliser le film et lui insuffler une dimension émotionnelle supérieure à son budget, Zach Braff s'est entouré d'une équipe de collaborateurs proches, dont le chef opérateur Mauro Fiore, ASC.
Braff et Fiore se sont tournés vers Panavision New York pour leur kit de caméras, comprenant des caméras Panavised Alexa LF et Mini LF ainsi que des optiques Panaspeed grand format. Dans cet entretien, les collaborateurs parlent de leur approche pour concevoir le langage visuel du film.
Panavision : Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble sur ce projet ?
Mauro Fiore, ASC : Zach et moi avons réalisé un court métrage, In the Time it Takes to Get There, avec la société de production RSA, court métrage dans lequel Florence jouait aussi. Notre collaboration a été très agréable. Quand il m'a proposé A Good Person, j'ai immédiatement accepté et nous sommes partis dans le New Jersey pour tourner.
Nous étions tous réalistes sur les objectifs et l'approche. Il s'agissait d'un film indépendant à petit budget, mais cela ne nous empêcherait pas de raconter une belle histoire. Je me rappelle ce qu'un jour mon père m'a dit : « Un vrai maître n'a besoin que de quelques outils ». Je n'ai jamais oublié cela. Ça a été une grande collaboration, et une histoire importante à raconter. J'ai pris beaucoup de plaisir à faire ce film.
Comment décririez-vous l'esthétique de A Good Person ?
Zach Braff : Ce film est beaucoup plus tranquille que tout ce que j'ai pu réaliser jusqu'à présent. J'aime faire bouger la caméra de manière unique et intéressante. Il a été amusant de réaliser Scrubs parce que la caméra était comme un personnage. Dans chaque épisode, le réalisateur devait trouver des moyens de plus en plus farfelus de déplacer l'objectif et de réaliser les transitions entre les différents plans. J'ai opté pour une approche minimaliste et j'ai laissé les incroyables acteurs et leurs visages fascinants prendre le devant de la scène. Il y a bien sûr quelques mouvements, mais j'en ai enlevé beaucoup au montage. J'ai aimé l'immobilité.
Mauro Fiore : Nous avons été très classiques. Bien qu'il s'agisse d'un film dramatique sur l'anxiété, les traumatismes et la toxicomanie, nous voulions garder un ton optimiste face à un sujet qui peut être particulièrement difficile, et ce, tout en préservant la beauté de cette tragédie. Nous avons notamment cherché à maximiser les couleurs et à filmer en automne pour profiter de la beauté de la côte Est à cette époque de l'année.
Sur le plan visuel, nous avons commencé par un contre-jour romantique et une photographie très classique, puis une plongée lente dans l'obscurité jusqu'à en sortir avec le personnage de Florence. En la voyant développer et trouver la lumière, vous constatez qu'il était important de toujours avoir la lumière du soleil dans le cadre. La lumière du soleil serait une source d'espoir, laissant entrevoir la possibilité qu'elle puisse aller de l'avant suite à son expérience traumatisante.
Y a-t-il des références visuelles particulières qui vous ont inspirées ?
Zach Braff : Mauro et moi avons parlé de la solitude qui se dégage de nombreux tableaux d'Edward Hopper, et nous nous sommes échangés toutes sortes d'images. Mais ce qui m'a le plus aidé, c'est le fait de travailler avec l'artiste conceptuelle Joanna Bush. C'est quelque chose qui m'a vraiment aidé dans des projets de toutes les tailles. Je sais que les cinéastes utilisent le plus souvent l'art conceptuel dans les films à grand budget, mais Joanna a parfaitement su capturer le ton de ce que je voulais avec quelques images clés. Cela a été particulièrement utile pour communiquer ce ton à tous les membres de l'équipe créative et aux responsables de chez Metro-Goldwyn-Mayer.
Mauro Fiore : Nous réfléchissions également aux lieux de tournage et développions des idées en rapport avec ceux-ci. Il y a par exemple une scène dans un parc où le personnage joué par Morgan Freeman et son fils se retrouvent. Cette scène fait penser à une peinture de Seurat et nous nous sommes dit : « Faisons en sorte qu'elle ressemble encore plus à une peinture de Seurat. Développons cette impression. »
Qu'est-ce qui vous a amené chez Panavision pour ce projet ?
Zach Braff : Quand j'étais à l'école de cinéma de Northwestern, j'adorais regarder des photos des coulisses de mes films préférés, et les réalisateurs avaient toujours cet immense et magnifique magazine Panavision. Et quand j'étais assistant de production à New York entre le milieu et la fin des années 90, je travaillais sur des clips musicaux et des publicités à petit budget au volant d'une fourgonnette pourrie et je voyais les énormes camions-caméras rouges de Panavision. Je me rappelle m'être dit : « Un jour, je travaillerai sur un gros projet avec un camion-caméra Panavision ».
Il a fallu attendre que je fasse Garden State avec Larry Sher [ASC] pour pouvoir enfin tourner en Super 35 avec des caméras et des objectifs Panavision. C'est la seule opportunité que j'ai eue de tourner l'un de mes films sur pellicule. Après que l'industrie soit passée au numérique, je suis tombé sous le charme des objectifs anamorphiques Panavision. J'adore à quel point chaque objectif est unique. J'aime les facteurs de flare et toutes les imperfections. Je n'aime pas les objectifs trop « parfaits » et sans caractère.
Mauro Fiore : Je connais bien Panavision. Leur service après-vente et leur division chargée des objectifs sont des partenaires exceptionnels, et Lori Killam, [responsable du marketing chez Panavision] est une représentante extraordinaire. Je savais qu'ils seraient en mesure de me soutenir dans cette aventure.
Je voulais particulièrement filmer en grand format. Je venais de travailler avec Panavision sur Spider-Man : No Way Home, un projet que j'avais tourné avec Alexa LF et les objectifs Panaspeed. J'ai vraiment aimé cette combinaison et ai voulu insuffler ce même type de sentiment à ce film. Nous avons essayé l'anamorphique, mais j'ai finalement opté pour des Panaspeeds et de cadrer au format 2.39:1 afin de mieux exploiter les capacités du capteur.
Quelles sont les caractéristiques qui, pour vous, font que les Panaspeed soient parfaits pour A Good Person ?
Mauro Fiore : Zach et moi sommes particulièrement intéressés par le contraste. Ces objectifs offrent un contraste et une netteté extraordinaires, parfaits pour travailler sur un format numérique. Par ailleurs, la chute est magnifique et convient parfaitement au projet. Nous avons aussi utilisé deux objectifs portrait particulièrement intéressants dans la mesure où le centre de l'objectif est la seule partie nette et que la partie extérieure de celui-ci est entièrement floue. Nous nous en sommes servis quand le personnage de Florence se désagrège, pour exprimer son impression d'être séparée du monde. Ces objectifs sont magnifiques.
Zach Braff : Nous avons eu une journée de test de tournage, Mauro a analysé plusieurs types d'installations avec Florence, et nous avons retenu celles qui nous plaisaient. Sur le plateau, nous n'avons jamais vraiment été en désaccord, même s'il émet ce petit grognement quand vous commencez à cadrer quelque chose qui lui déplaît. [Rires.]
Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir cinéastes et qu'est-ce qui vous inspire encore aujourd'hui ?
Zach Braff: Mes parents adoraient le cinéma et nous ont fait découvrir, à moi et à mes frères et sœurs, dès notre plus jeune âge, de nombreux films bien meilleurs que ce que nous pouvions imaginer à l'époque. Mon père nous a acheté une caméra Super 8. Celle-ci a eu un succès immédiat auprès de nous tous, nous faisions des films et les projetions en famille. Le travail d'autres cinéastes est une source d'inspiration pour moi. Je regarde des séries et des films tellement passionnants et différents que cela me pousse à continuer d'apprendre, de progresser et de m'améliorer.
Mauro Fiore: Dès l'âge de 18 ans, j'ai commencé à m'intéresser de près à la photographie. Notre lycée était équipé d'une magnifique chambre noire et j'adorais pouvoir faire mes propres photos, les développer et imprimer mes propres pellicules. Cela m'a beaucoup inspiré, mais je ne pensais pas que je pourrais en faire mon métier. Personne dans ma famille n'a jamais été impliqué dans l'art. Je viens d'une famille d'immigrés ; j'ai déménagé ici quand j'avais 7 ans. Alors l'idée de faire carrière dans la photographie n'était pas quelque chose de normal dans ma famille.
Je suis allé à l'université et j'allais étudier la sociologie, mais j'ai suivi un cours d'introduction au cinéma et découvert l'héritage du cinéma italien, Fellini et tout le reste, des films qui sont devenus une véritable source d'inspiration pour moi. J'ai alors envisagé de faire une école de cinéma, et j'ai intégré le Columbia College à Chicago, où j'ai très vite compris que ce qui m'intéressait, c'était la cinématographie. J'avais pour camarade d'école Janusz Kaminski ; nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets scolaires et, après qu'il ait déménagé à Los Angeles, ce dernier m'a appelé et m'a dit : « Il faut que tu viennes à Hollywood ». Nous avons alors vécu dans un studio à Hollywood, et ma carrière s'est développée en parallèle de la sienne. J'ai été chef électricien sur plusieurs de ses films, dont La Liste de Schindler, puis j'ai pu voler de mes propres ailes et passer des entretiens pour d'autres projets comme chef opérateur.
En ce qui concerne ce qui me motive en tant que chef opérateur, je trouve toujours un nouveau moyen de raconter une histoire, un nouveau développement ou une nouvelle approche visuelle. Je m'inspire de ce que j'ai lu et qui me permet de penser que je pourrais apporter quelque chose à la narration sur le plan visuel. Les sujets, les scénarios et l'histoire m'inspirent profondément. Je trouve également très intéressant de passer d'un film à gros budget comme Spider-Man à un film comme A Good Person.
J'essaie de considérer chaque nouveau film comme si c'était la première fois que je le faisais. Ce que je préfère, c'est me demander ce que je vais faire si je n'ai jamais fait un film comme celui-ci. Il y a tellement de manières de raconter cette histoire, wow ça va être un vrai défi ! Cette première approche de la toile vide est pour moi toujours encore très stimulante.