Through the Years
Pour Vincent De Paula, CSC, tourner la série Netflix Toujours là pour toi est comme un rêve devenu réalité. Pendant 26 épisodes répartis sur deux saisons, il a été chargé de capturer l'amitié entre deux femmes, Tully et Kate (respectivement interprétées par Katherine Heigl et Sarah Chalke), dans différentes étapes de leur vie et à différentes époques. Son travail a consisté à couvrir les décennies des années 1970, 80 et du début des années 2000 et l'a obligé à recréer ces différentes époques avec un budget pour un programme télévisuel. Le chef opérateur a accepté de relever ce défi, c'est d'ailleurs ce qui l'a d'abord attiré dans la série.
C'est pendant qu'il tournait le long métrage 2 Hearts sorti en 2020, que Shawn Williamson, l'un des producteurs, lui a demandé de lire le scénario du pilote de Toujours là pour toi. Vincent De Paula a adoré la manière dont le scénario suivait sur 30 ans ces deux femmes dans les hauts et les bas de leur vie. « J'ai tellement accroché avec l'histoire et l'esprit que j'ai vraiment voulu y participer », déclare-t-il. « Montrer ces différentes lignes temporelles avec l'histoire et la culture américaines comme toile de fond était une véritable opportunité. Quand j'ai rencontré l’auteur-producteur et les autres producteurs, ceux-ci ont aimé mon retour et m'ont engagé. »
De Paula a grandi sous la pluie de Galice, dans le nord de l'Espagne. Il a découvert sa passion pour le cinéma à l'âge de 7 ans, en regardant le mardi soir une émission qui diffusait des films Hollywoodiens classiques. « C'était à l'époque le seul moment où je pouvais regarder ces vieux films en anglais en noir et blanc, » indique-t-il. « Tout était doublé en espagnol, mais je voulais simplement entendre les véritables voix. »
Son imagination d'enfant a commencé à jouer avec les intrigues des films, par exemple en inversant qui survit et qui meurt. Il a progressivement compris qu'il y avait des artistes qui prenaient ces décisions, et il a désiré être l'un d'entre eux, peut-être en étant derrière la caméra. Adolescent, il a surpris ses parents en leur annonçant qu'il travaillerait dans le cinéma et la télévision. Cette industrie était quasi inexistante en Galice, et une telle carrière l'obligerait à partir ailleurs.
Après avoir étudié dans une université espagnole disposant d'un programme d'études des médias, De Paula s'est rendu en Angleterre afin d'étudier l'art du cinéma à la London Film School. Il a ensuite commencé à travailler pour l'industrie britannique en tournant des courts métrages, des clips musicaux, des projets pour la BBC et, surtout, des documentaires. « Tourner beaucoup de documentaires a été un excellent moyen d'apprendre cet art, » dit-il. « J'ai appris à travailler avec l'éclairage disponible, à le modeler et à ajouter un peu d'émotion à quelque chose. Cela reste encore à ce jour gravé dans mon cerveau. Quand je regarde les classiques de Connie Hall [ASC], je me rappelle qu'il avait l'habitude de parler de « naturalisme magique ». Vous obtenez ce que vous avez dans la pièce, puis vous essayez de le modeler parce que le résultat n'est pas parfait. »
C'est à Londres que sa relation avec Panavision s'est développée. « Nous tournions un court-métrage, Dark Room, » se rappelle-t-il. « Ce tournage a été très compliqué pour moi. En effet, tout se passait dans une chambre noire avec une lumière rouge, et lorsque vous exposez sous une lumière rouge sur un film, vous perdez beaucoup de netteté. J'ai parlé à Panavision et ils ont été assez gentils pour m'aider. Nous avons tourné en Super 16 avec un ensemble Panavision, les verres et tout le reste. J'étais tellement impressionné. "Je me sens chez moi," dit-il. "Je veux rester là".
« Nous sentions que nous avions tellement de chance de travailler avec Panavision que nous ne pouvions pas le croire, » rajoute De Paula. « Quand vous vous lancez dans le cinéma, vous lisez des articles dans la revue American Cinematographer, vous voyez ce logo Panavision et vous rêvez de pouvoir un jour en faire partie. Il y a une histoire avec Panavision, une manière de faire des objectifs et des caméras. J'ai alors entretenu une relation avec eux en Angleterre, et chaque fois que j'ai pu les impliquer, je l'ai fait. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets. Je me suis dit : "Nous y voilà. J'appartiens à ce monde maintenant". Panavision ne m'a pas seulement donné les outils, ils sont aussi des collaborateurs, visuellement, sur ma façon de voir le monde. Chaque fois que le travaille avec Panavision, je sais qu'ils couvrent mes arrières. »
Les yeux tournés vers des productions plus importantes, De Paula s'est installé en Amérique du Nord, où il partage son temps entre Los Angeles et Vancouver. Avant cette saison de Toujours là pour toi, il a notamment travaillé sur les séries Project Mc2 et ReBoot : le code du gardien ; sur des épisodes de Maid et de Zoey et son incroyable playlist ; sur des images additionnelles pour Second Chance, Le Maître du Haut Château, Upload et Good Doctor ; et plusieurs longs métrages, dont Sulfures, The Will, Indian Road Trip et le prochain film Netflix The Inheritance.
De Paula a adoré pouvoir tourner les 26 épisodes de Toujours là pour toi. « Il y a bien sûr des avantages et des inconvénients », dit-il. « Je n'ai pas pu bien préparer les prochains épisodes avec les réalisateurs et les futurs lieux de tournage. Mais notre approche a consisté à traiter chaque saison comme un long métrage, avec un seul style et une vision unique. Et je pense que le fait de n'avoir qu'une seule voix derrière la caméra était une bonne chose. J'ai travaillé sur d'autres productions où il y avait tellement de chefs opérateurs, que même si nous partagions les mêmes objectifs, nous pouvions présenter de grandes différences, et les choses pouvaient parfois se révéler un peu problématiques. J'aime pouvoir contrôler la vision globale du programme. »
Pour tourner la série, De Paula a choisi la caméra Millennium DXL2 de Panavision et a récupéré l'ensemble caméra et objectif pour les deux saisons chez Panavision Vancouver. « Je pense que la DXL2 est une magnifique caméra intégrée », dit-il. « Son ergonomie est incroyable. Je trouve que son oculaire est également le meilleur du marché. Pour la saison 2, nous avons tiré parti du corps de caméra DXL-M plus petit pour filmer tout notre travail en Steadicam. »
Pour la première saison, De Paula a utilisé le capteur de la DXL2 pour capturer en Super 35 avec des objectifs Cooke S4, mais pour la deuxième saison, il a opté pour des objectifs Panaspeed grand format et a capturé en 6K pour un résultat final HDR 4K. Le chef opérateur a décidé de ce changement après avoir utilisé les Panaspeeds pour un épisode de la mini-série Netflix Maid. « J'ai beaucoup tourné avec les Panavision Primos sphériques. Ces Panaspeeds sont un complément rapide et grand format des optiques sphériques Primo de format 35 mm », déclare-t-il. « Je suis tombé amoureux de leur résolution et de leur contraste quand nous avons utilisé des Panaspeeds pour le tournage de Maid. C'est ça qui m'a poussé à les choisir, car ils offraient une meilleure résolution et permettaient d'adoucir le rendu années 80 et le vieillissement des acteurs. Je n'ai même pas fait de test, j'ai juste appelé Adam Osten de chez Panavision Vancouver et je lui ai dit : "Adam, je veux les Panaspeeds pour la saison 2." Ils sont maintenant devenus l'un de mes objectifs préférés. »
De Paula n'avait que huit jours pour filmer chaque épisode de Toujours là pour toi, et pendant ce délai serré, il devait alterner entre les scènes se déroulant dans les années 70, dans les années 80 et dans les années 2000. Pour les années 1970, il souhaitait une image plus chaude, plus proche des oranges et des jaunes. Au lieu de choisir une température de couleur différente sur la caméra, il a cherché une méthode plus traditionnelle pour obtenir un aspect plus authentique. « Pour mon film précédent, j'avais utilisé des collants fixés à l'arrière des objectifs, et j'ai voulu faire quelque chose de semblable pour les années 70 », explique-t-il. « Malheureusement, je n'avais plus mes collants fétiches, Fogal Noir 110 et Dior 10 que j'avais utilisés pendant plusieurs années, et je n'ai pas été à même de retrouver les mêmes caractéristiques sur des collants plus récents. J'ai testé les filtres de diffusion True-Net de Schneider, j'ai vraiment apprécié ce que je voyais et me suis dit que c'était ce qui se rapprochait le plus des collants authentiques. Donc pour toutes les scènes dans les années 70, j'ai utilisé un filtre noir n° 1 True-Net sur l'objectif. »
Par opposition aux années 1970, les scènes des années 80 qui mettaient en scène Heigl et Chalke rajeunies dans leurs 20 ans, avaient tendance à présenter une palette plus saturée, notamment au niveau des costumes et de la conception de la production. Pour faire ressortir cette esthétique, De Paula raconte : « J'ai utilisé des Classic Softs pour donner un aspect de gros plan hollywoodien classique à tout. Et parce que dans les années 80 les personnages trouvent leur premier travail, entament de nouvelles relations et commencent à expérimenter la vie, la caméra devait également d'être plus dynamique. Nous voulions être plus avec ces personnages, pour qu'ils soient cadrés ensemble et partagent l'écran. »
Comme le montre la série, les années 2000 possèdent une palette plus neutre et un schéma d'éclairage différent pour refléter la vieillesse des personnages. « C'est peut-être là que la vie ne s'est pas déroulée comme prévu », indique De Paula. « On ressent la lutte de ces deux quarantenaires qui étaient tellement motivées dans les années 70, connaissent le bonheur de l'indépendance dans les années 80 et luttent avec la "vraie vie" dans les années 2000. La composition était un peu plus libre et plus réduite, avec une lumière plus douce à travers les fenêtres, et j'ai occasionnellement utilisé des satins noirs. Ces petites techniques combinées s'ajoutent, je l'espère, pour provoquer des émotions chez le spectateur. »
Depuis la fin de la série, De Paula s'est déjà embarqué pour une autre aventure et a rejoint l'équipe de The Flash pour le tournage de la dernière saison. Mais Toujours là pour toi demeure dans son cœur, et il est particulièrement fier de la façon dont la série a abordé les questions de genre dans l'histoire contemporaine. « Nous voulions montrer à quel point l'égalité des sexes a évolué pendant ces 30 années », explique-t-il. « Je suis vraiment fier de ce que j'ai pu faire en termes d'interprétation émotionnelle des scénarios. »
Images reproduites avec l'aimable autorisation de Netflix. Photos supplémentaires reproduites avec l'aimable autorisation de Vincent De Paula, CSC.