Charme incomparable
Histoire d'un photographe timide qui sort de sa coquille après avoir assisté à une succession de spectacles de drag queen, Three Nights a Week propose un regard honnête derrière le voile de son identité personnelle. Le film a été coécrit et réalisé par Florent Gouëlou, qui imprègne l'histoire d'un esprit et d'une sagesse que seule l'expérience peut apporter. Pour la production, Gouëlou a fait équipe avec le directeur de la photographie Vadim Alsayed pour s'assurer que le premier long métrage du réalisateur sonne juste. Alsayed raconte ici leur parcours créatif et le soutien qu'ils ont trouvé auprès de Panavision Paris.
Panavision : Comment êtes-vous devenu impliqué dans le projet ?
Vadim Alsayed : Nous avons été avec Florent dans la même promotion de la Fémis et nous avons fait son film de fin d’études Un homme mon fils ensemble. C’est à ce moment-là que notre collaboration est née. Suite à ce court métrage, nous en avons ensuite fait trois autres ensemble dont Beauty Boys qui a été le film que nous avons tourné avec Yukunkun Productions avant Trois nuits par semaine. Florent me parlait de son projet de long métrage dès la sortie de la Fémis, en 2017. Il m’a donc logiquement appelé lorsque la préparation de Trois nuits par semaine a débuté.
Alsayed : Le film traite plusieurs sujets : d’un côté le monde de la santé et de la prévention sur le sida, la vie quotidienne de Baptiste dans son couple, son travail à la Fnac et de l’autre le monde de la nuit et de la découverte de l’univers drag, les lumières, les couleurs, les paillettes et le show. Il fallait ainsi passer d’un monde à l’autre finalement relié par la présence quasi permanente des drag-queens. Le show de drag devait briller, être coloré, lumineux. Florent a choisi volontairement de situer son film dans la période de Noël, de manière à ne jamais quitter la couleur, les brillances dans les nuits. Nous avons ainsi pensé aux guirlandes de Noël que l’on souhaitait présentes dans tous les moments hors drag, les sapins de noël, toutes sortes de décorations de noël colorées et/ou lumineuses. Si nous nous étions écoutés, nous aurions décoré tout Paris, Strasbourg et Martigues de centaines de guirlandes, de sapins et décorations de Noël. Nous avons pensé à Eyes Wide Shut de Kubrick qui excelle en la matière. Finalement, je crois que c’est une bonne chose de n’en avoir pas trop mis faute de moyens, car j’aime tout de même ce contraste entre la vie extérieure et le monde de la fête et du spectacle. Cela permet un retour à la réalité lorsque l’on quitte les shows.
Le challenge du film était aussi de trouver des couleurs harmonieuses différentes entre chaque séquence de soirées et de shows drags. Nous avons donc fait des choix pour créer une évolution progressive. Ma crainte était de tomber dans un univers visuel redondant d’une soirée à une autre.
En ce qui concerne les extérieurs, comme nous étions partis sur la présence de guirlandes chaudes, j’ai décidé d’éclairer toutes les nuits en bleu/vert, de façon à créer un contraste colorimétrique.
Y a-t-il des références visuelles particulières qui vous ont inspirées ?
Alsayed : Florent m’a tout de suite parlé de Nan Goldin, dans sa manière de mettre en images des scènes de vie de personnages maquillés et/ou déguisés dans des espaces communs. Nous avons aussi beaucoup parlé de Almodóvar dont nous sommes très admiratifs tous les deux, puis de références plus précises comme le défilé de Jessica Rabbits dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ou encore Tournée de Mathieu Amalric pour les scènes de coulisses, l’énergie de groupe, les entrées et sorties de scènes. Pour la séquence de la demi-finale, nous avions en tête Chicago de Rob Marshall.
Nous avons aussi parlé du clip de The Weeknd, « Save Your Tears », pour la séquence de la finale. Je trouvais les effets de lumière, la dynamique du show, très inspirants.
Qu'est-ce qui vous a amené chez Panavision pour ce projet ?
Alsayed : Je me suis tourné assez naturellement vers Panavision qui m’avait beaucoup soutenu depuis ma sortie de l’école. Par ailleurs, nous voulions tourner en anamorphique dès le départ. Nous l'avions expérimenté avec Florent sur les films précédents et je souhaitais tourner avec la Série G de Panavision que j’aime beaucoup, mais qui n’était malheureusement pas disponible au moment du tournage. L’idée de base était de jouer avec des flares, des bokehs qui seraient très présents à l’image (guirlandes lumineuses, sources colorées dans le champ). Par ailleurs le ratio scope était une volonté de départ. C’est un film de groupe, de spectacle. J’ai testé les master prime anamorphiques, les Cooke anamorphiques mais elles me paraissaient trop propres, trop piquées.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans les objectifs spécifiques que vous avez choisis ?
Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir directeur de la photographie et qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui ?
Alsayed : Pour répondre le plus honnêtement possible, je crois que je suis sensible à la poésie de l’image depuis toujours. J’aime la photographie, la peinture, l’idée de raconter une émotion ou un sentiment avec un cadre, une lumière, une atmosphère. Souvent, je retiens des grandes œuvres cinématographiques quelques images fortes, qui m’ont émue, plus que l’histoire en soi. Cela paraît étrange, car un film sans histoire n’aurait pas vraiment de sens, mais je suis ému par une atmosphère, un regard, un reflet, la lumière d’une aube sur un visage au réveil, un coup de vent dans les voilages d’une fenêtre ouverte au milieu de la nuit. Ça paraît peut-être assez banal dit comme ça, mais je suis assez sensible aux détails et à l’aspect sensitif d’une image.
Le métier de directeur de la photographie a aussi l’avantage d’être très proche de la mise en scène et des acteurs, permet de naviguer d’un univers à un autre et de faire de nombreuses rencontres artistiques et humaines qui me font évoluer et grandir à chaque fois, me remettre en question parfois, et d’explorer de nouvelles manières de faire. J’aime passer d’un univers à un autre, passer de la fiction à un clip, ou à un film d’art. Je crois que j’ai besoin de faire au maximum des choses différentes. Cela me nourrit beaucoup.
Alsayed : Je suis depuis toujours sensible à l’univers du cinéma de Wong Kar-wai, de Antonioni, de Kalatozov, Almodóvar ou James Gray, pour ne citer qu’eux. Ce sont des cinéastes très différents, mais qui ont su créer des univers distingués, avec leur esthétique personnelle, en inventant une réalité propre à chacun de leurs films.
Aujourd’hui, je suis de plus en plus sensible au cinéma belge flamand, notamment les films de Roskam, Felix van Groeningen, et plus récemment Lukas Dhont dont j’ai été très touché par son film Close. Je trouve le cinéma iranien de plus en plus impressionnant. J’ai découvert récemment Un héros de Asghar Farhadi, Leila et ses frères ou la Loi de Téhéran de Saeed Roustayi, que je trouve très puissants, profonds et humains.
Je crois beaucoup aussi à la nouvelle génération de cinéastes qui tente d’explorer le genre, le thriller, et de plonger le spectateur dans des univers marqués.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose à propos de votre expérience en lien avec Three Nights a Week ?
Alsayed : Je tiens à remercier particulièrement l’équipe image qui s’est engagée pleinement pour défendre ce film ensemble.
1er assistant caméra : Victor Chwalczynski
2ème assistant caméra : Simon Feray
3ème assistante caméra : Maëll Feray
Chef électricien : Mathieu Brémond
Électriciens : Jaoued Dugueyt, Alexis Bonnet
Chef Machiniste : Louis Mikulic
Machiniste : Thibaut David
Steadicamers : Cédric Autier, Jake Russel, Anton Tarente.