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Le réalisateur Jess Kohl et le chef opérateur Adric Watson à propos de A Mouthful of Petrol

Un court métrage à fort impact : dans les coulisses du court métrage documentaire A Mouthful of Petrol, récompensé par le prix Camerimage.

Lauréat d'une Grenouille d'or dans la catégorie court métrage documentaire du festival international de cinéma Camerimage de 2022, A Mouthful of Petrol entraîne le spectateur dans le monde trépidant des courses de vieilles voitures, dans lequel les pilotes s'affrontent au volant de voitures de récupération et où il est fortement recommandé d'aller au contact. Le réalisateur Jess Kohl et le chef opérateur Adric Watson apportent un lyrisme visuel à l'histoire d'un jeune passionné de sport automobile britannique qui se lance dans sa première course, plongeant ainsi les spectateurs dans un monde qui leur est sans doute inconnu.

Dans cet entretien, les collaborateurs habituels reviennent sur leur expérience de la réalisation de ce projet, soutenu par Panavision London.

Panavision : Comment décririez-vous l'esthétique du documentaire ?

Jess Kohl : Nous voulions que ce film soit réellement naturaliste et immersif, pour permettre au spectateur de se sentir proche de l'action et de l'émotion du monde des courses de vieilles voitures, un monde incroyablement viscéral et plein de textures, d'odeurs et de couleurs. Les couleurs des voitures se démarquent dans un paysage rural britannique plutôt austère. Nous avons tourné en hiver, ce qui a également influencé l'esthétique et l'ambiance. Les journées courtes et froides ont été propices à une palette de couleurs plus sombres et plus froides.

Adric Watson : Le milieu des courses de vieilles voitures paraissait extrême comparé à la pittoresque campagne anglaise. Il était bruyant, coloré et texturé ; les sens étaient envahis de métal fissuré, d'étincelles, de fumée, d'huile et de boue. Comme nous avons opté pour une approche formelle axée sur l'observation, je voulais me rapprocher de nos personnages et raconter l'histoire avec des plans plus longs et continus, en utilisant principalement une seule longueur focale et en me concentrant sur des personnages uniques. Je voulais dépasser l'aspect attendu du documentaire d'observation et le rendre plus réfléchi et cinématographique.

Avez-vous trouvé de l'inspiration dans des références visuelles particulières ?

Jess Kohl : Nous avons beaucoup regardé le travail de Roberto Minervini qui nous a servi de référence pour les mouvements de caméra. Il réalise souvent de longues prises de vue qui suivent les personnages, en laissant la caméra tourner pendant longtemps, et ce, afin de permettre aux personnages de s'immerger et de prêter moins d'attention à la présence de la caméra. Ceci est logique compte tenu des actions de nos personnages, lesquels passent beaucoup de temps à errer dans le parc automobile ou sur les circuits de course.

Adric Watson : Je garde toujours à l'esprit le travail de Michael Glawogger et de Wolfgang Thaler lorsque je tourne des documentaires d'observation. Le Fils de Saul a été pour moi une autre référence visuelle initiale. Je voulais que la caméra soit absorbée par un personnage tandis que l'environnement soit superposé au moyen du son et de l'arrière-plan. Ce concept n'a pas été suivi au pied de la lettre, mais il a guidé la plupart de mon travail de caméra manuel.

Jess Kohl : Pour ses thématiques et son approche innée de la cinématographie et du tournage des paysages, The Rider, de Chloé Zhao, a été une autre référence clé pour nous. Je pense qu'il y a un parallèle intéressant entre la culture du rodéo aux États-Unis et les courses de stock-cars au Royaume-Uni. Dans les deux cas, il est question d'activités à sensations fortes qui peuvent s'avérer extraordinairement dangereuses et qui attirent un public semblable sur le plan socio-économique, avec des rôles masculins et féminins clairement marqués.

Qu'est-ce qui vous a amené chez Panavision pour ce projet ?

Adric Watson : Travailler avec Panavision est toujours un privilège, leur réputation n'est plus à faire. Leur générosité dans le soutien d'une production indépendante à petit budget mérite d'être soulignée. Le cinéma risque toujours de privilégier les bénéfices au détriment de l'art, et les entreprises comme Panavision, qui comprennent l'importance de soutenir des projets comme le nôtre, ont un rôle essentiel à jouer dans l'avenir de cette forme d'art.

Jess Kohl : Avec un tel éventail d'objectifs et d'équipements, nous savions que Panavision serait le plus à même de nous aider à raconter l'histoire. Nous voulions utiliser un zoom long et vintage qui nous permettrait de filmer les scènes de course de manière dynamique, en gros plan sur l’action, et Panavision a pu nous fournir un 25-250 mm qui nous a permis de le faire. L'aide de l'équipe a été extraordinaire et nous a permis de faire ce film.

Comment s'est passée votre collaboration une fois le tournage commencé ?

Adric Watson : La plupart de nos discussions créatives avaient lieu pendant les déplacements. Une fois sur le plateau, Jess m'a accordé toute sa confiance pour tourner à ma guise. Comme il s’agissait d’une production indépendante, tous les participants ont fait des sacrifices pour continuer à travailler. Je ne pense pas que cela aurait été possible si nous n'avions pas tous été personnellement convaincus et impliqués dans le projet, ce qui résulte d'un sentiment de confiance et de respect qui commence en haut de la hiérarchie.

Jess Kohl : Adric et moi avons régulièrement travaillé ensemble sur des projets publicitaires et des documentaires, si bien que nous avons une bonne compréhension de la façon dont l'autre travaille, ce qui facilite la communication et la confiance. Une bonne partie du processus de tournage a consisté à me mettre en retrait et à donner à Adric la liberté et l'espace pour suivre les personnages. Il était important de discuter avant le tournage. En effet, une fois sur le plateau avec nos personnages, nous voulions tourner de manière ininterrompue.

Qu'est-ce qui vous a inspiré à devenir chef opérateur et qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui ?

Adric Watson : J'ai grandi dans une famille de peintres et j'ai donc été imprégné par la communication visuelle dès mon enfance. J'ai commencé à faire des films avec mes copains d'école après avoir vu Le Seigneur des Anneaux et économisé pour m'acheter une caméra DV. Je suppose que c'est à Andrew Lesnie [ASC, ACS] et à Peter Jackson que je le dois. Je suis constamment inspiré par les gens qui travaillent en dehors des structures cinématographiques traditionnelles, et le style documentaire a toujours été à l'avant-garde en la matière.

Jess Kohl : Je ne me suis jamais dit : « Je veux être réalisateur ». J'ai juste commencé à réaliser des travaux sur des communautés ou des personnes que j'avais envie de connaître, et petit à petit, j'ai fini par devenir réalisateur. C'est un métier formidable, qui me permet de découvrir des mondes, des gens et des lieux qui me seraient autrement inaccessibles. Cela me permet de me mettre dans la peau de quelqu'un d'autre et, je l'espère, permet au public d'approfondir sa compréhension de l'expérience des autres.

Images reproduites avec la permission des réalisateurs.