Passer au contenu principal

Cinematic Fanatic

Rico Moran, chef opérateur, et Chandler Levack, réalisateur, discutent de la direction visuelle de la comédie sur le thème du passage à l'âge adulte I Like Movies.

Lauréat du Panavision Spirit Award for Independent Cinema au Festival international du film de Santa Barbara 2023 et du RBC Emerging Canadian Artist Award au Festival international du film de Calgary, la comédie I Like Movies suit les péripéties d'un jeune homme de 17 ans en difficulté sociale travaillant dans le vidéoclub de son quartier, soudainement forcé à faire face aux réalités de l'âge adulte. S'inspirant de l'acuité cinématographique du scénariste-réalisateur Chandler Levack, le film marque les débuts en long métrage de Levack et du chef opérateur Rico Moran. Ensemble, le duo a créé une esthétique stylisée qui souligne le point de vue du protagoniste du film, Lawrence (interprété par Isaiah Lehtinen).

Panavision s'est récemment entretenu avec le réalisateur et le directeur de la photographie, qui racontent leur parcours pour concrétiser leur vision.

Panavision : Comment décririez-vous l’esthétique de I Like Movies ?

Chandler Levack : « La réalité nostalgique du sud de l'Ontario ». Nous voulions que l'image soit chaleureuse et utiliser des sources de lumière naturelle provenant des fenêtres et des lampes pour mettre en valeur les décors. Le film se déroule au début des années 2000, dans ma ville natale de Burlington, en Ontario. Il était donc essentiel de créer une atmosphère chaleureuse et nostalgique, tout en restant un peu stylisée, en rendant un hommage subtil aux auteurs qui obsèdent notre protagoniste principal, Lawrence, à savoir Stanley Kubrick et Paul Thomas Anderson. Nous avons tourné en utilisant l'ancien format Academy 1.33:1, et nous avons effectué quelques prises de vues à la main. Notre volonté était de transmettre un sentiment chaleureux d'intimité à travers la caméra, afin de mettre en valeur le jeu des acteurs dans la scène et l'environnement du vidéoclub. 

Rico Moran : Nous voulions que I Like Movies soit à la fois nostalgique et moderne, comme le souvenir que l'on garde de nos photos du lycée, même si elles sont un peu défraîchies aujourd'hui. Nous voulions que les couleurs soient vives mais sobres et que le cadrage fasse écho à la perspective étroite de Lawrence. Chandler a choisi le format 1.33:1 pour faire un clin d'œil aux téléviseurs sur lesquels nous regardions les films qui ont bercé notre enfance. C'était le format parfait pour cadrer un portrait en gros plan et pour souligner le fait que Lawrence ne regardait pas au-delà de son petit monde. 

Vous êtes-vous inspirée de références visuelles ?

Levack : Rico et moi avons créé un tableau de référence visuel exhaustif pour le film, ce qui était très amusant à faire. En ce qui concerne la palette de couleurs, j'étais fasciné par la façon dont Almodóvar utilise toujours le rouge et le bleu turquoise dans ses films. Certains éléments du film, dont l'identité visuelle de la chaîne de vidéoclub fictive, Sequels, tirent leur inspiration des couleurs de la cuisine d'Antonio Banderas dans Pain and Glory. Nous avons également regardé de nombreux films de la Nouvelle Vague française réalisés par Godard, comme La Chinoise, pour étudier la manière dont les couleurs primaires peuvent avoir un rendu éclatant sur des fonds neutres. 

Tous les films sur le passage à l'âge adulte que j'ai vénérés pendant mon adolescence et aujourd'hui ont également joué un rôle essentiel dans le choix des mouvements de caméra utilisés, de l'ambiance générale et de l'éclairage du film. Je pense que Rico avait envie de m'étriper, car je faisais référence à Lady Bird un nombre incalculable de fois par jour, mais c'était un véritable guide pour créer un environnement d'authenticité stylisée qui restait fidèle à la vision du monde singulière de notre personnage principal. Nous avons également étudié Ghost World, Rushmore et My Night at Maud's.

Moran : Nous avons regardé toute une série de films pour paufiner et nous accorder sur notre projet d'esthétique, d'Andrea Arnold à Eric Rohmer, en passant par Elephant et Marriage Story. Souvent, il y avait un point de référence spécifique en termes de style de cadrage, de traitement des couleurs ou de stratégie de couverture, et d'autres fois, c'était juste pour passer du bon temps. J'ai également voulu m'inspirer de photographes tels que Paul Graham, Hannah Starkey et Tina Barney pour leurs palettes de couleurs vives et leurs cadrages judicieux. 

Qu'est-ce qui vous a amené à Panavision pour ce projet ?

Moran : Panavision a été mon premier choix pour ce premier film. J'adorais l'idée de pouvoir raconter l'histoire de notre héros obsédé par le cinéma avec les objectifs qui ont été utilisés pour tourner certains de ses films préférés. Je voulais donner une touche hollywoodienne à la ville de Burlington, en Ontario, qui ne l'est pas vraiment.

J'ai toujours été soutenu par Jerry Papernick, James McMahon et Johanna Gravelle de Panavision Toronto, et ce projet n'a pas fait exception à la règle. Ils sont toujours prêts à travailler avec moi et mon équipe pour trouver les objectifs et les accessoires parfaits pour chaque situation. 

Levack : Panavision est la société de caméras la plus célèbre au monde, et mes réalisateurs préférés de tous les temps ont toujours tourné avec eux. J'aime beaucoup leurs objectifs. Ils sont non seulement emblématiques, mais aussi de formidables outils de création cinématographique. J'ai toujours rêvé d'être un cinéaste Panavision. C'était un coup d'essai, mais j'ai écrit à Panavision une lettre d'amour très sincère exprimant mon désir de travailler avec eux sur I Like Movies. Les modèles de Lawrence, Paul Thomas Anderson et Stanley Kubrick, ont toujours tourné en Panavision. J'ai donc inclus des photos des coulisses de leurs tournages avec des caméras Panavision et j'ai expliqué ma vision artistique du film et la manière dont Rico et moi souhaitions tourner le film. Quand ils ont accepté, j'ai fondu en larmes.

L'équipe Panavision a été une collaboratrice et un soutien très généreux pour ce projet. Lors de sa première américaine au Festival international du film de Santa Barbara, I Like Movies a même remporté un prix décerné par un jury pour le cinéma indépendant, qui comprenait une bourse d'équipement Panavision. C'est merveilleux de savoir que je pourrai continuer à tourner avec des caméras et des objectifs Panavision pour mes futurs projets.

Pour vous, quelles sont les caractéristiques optiques des objectifs PVintage qui les rendent parfaitement adaptés à I Like Movies?

Moran : Pendant la préparation, Chandler et moi avons testé différents ensembles pour déterminer ce qui conviendrait le mieux. J'avais le sentiment que les PVintages seraient les meilleurs, et après un test à l'aveugle, cela s'est confirmé. J'aime leur contraste doux, leur mise au point veloutée, leurs flares expressifs mais pas excessifs, et leur diaphragme T rapide. Nous n'avions pas beaucoup de temps pour éclairer (ou faire quoi que ce soit d'autre), il était donc essentiel de pouvoir s'appuyer sur les niveaux de lumière existants dans les décors intérieurs et extérieurs. Nous avons utilisé principalement l'objectif 29 mm, qui est parfait pour un gros plan en grand angle.

Levack : Nous avons également aimé le rendu peu bizarre des objectifs PVintage par rapport aux Primos, et leur manière de produire des formes de diamant intéressantes à partir de sources lumineuses et des flares sympas. Nous voulions vraiment que notre film ait un air vintage, [dans la lignée de] Harold et Maude et Brewster McCloud, et ces objectifs étaient parfaits pour cela. Associés à l'Alexa Mini, ils ont donné à nos prises de vue un aspect cinématographique avec beaucoup de personnalité.

Comment avez-vous communiqué tous les deux au cours de la production pour vous assurer que vous partagiez la même vision ?

Levack : Nous avons construit une base solide en préproduction en regardant beaucoup de films ensemble, en discutant avec nos responsables des costumes et de la conception de la production, et en affinant notre liste de plans. Rico s'est fortement impliqué dans le repérage des lieux de tournage, ce qui s'est avéré extrêmement utile, et il a assisté aux premières séances avec les acteurs pour voir comment nous organisions les scènes pendant les répétitions. Après cela, il a été assez facile de communiquer le jour J car nous avions déjà abordé de nombreux aspects de la phase de tournage.

Notre plan d'action cinématographique comportait de nombreuses règles qui nous ont permis de créer une esthétique cohérente tout au long du projet. Nous étions presque toujours enfermés ou sur un dolly, pour privilégier le point de vue de Lawrence. Au début du film, toute la couverture est propre, mais au fur et à mesure qu'il commence à s'effondrer, d'autres personnages commencent à s'insinuer dans son cadre et sa couverture ; ils « salissent » ses plans et il salit les leurs au cours de son lent voyage vers la prise de conscience de l'existence d'autres personnes.

En quoi ce projet est-il différent des autres de votre carrière ?

Levack : C'est mon premier long métrage et certainement le film le plus risqué et le plus personnel que j'ai jamais réalisé. J'ai l'impression que c'est le film le plus authentique pour moi en tant que réalisateur de comédies et le plus ambitieux. 

Moran : I Like Movies a été ma première comédie et mon premier long métrage. Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur le scénario pointu de Chandler et sur les multiples facettes du jeu de nos acteurs, ce qui nous a donné la liberté de tourner dans un style naturaliste. La phase de tournage principale n'a duré que 19 jours, ce qui signifie que nous avons dû travailler rapidement et que j'ai dû faire confiance à mon instinct pour le cadrage et l'éclairage. Je ne sais pas comment nous y serions parvenus sans notre équipe joyeuse et solidaire et sans tous les collaborateurs incroyables des autres départements.

Qu'est-ce qui a poussé chacun d'entre vous à devenir cinéaste ?

Levack : Au tout début, je faisais des films vraiment mauvais avec mes amis en utilisant la caméra MiniDV de mon père. Ma volonté était de reproduire les scènes de films que j'aimais et que je louais au vidéoclub lorsque j'étais adolescent, comme Punch-Drunk Love, Pulp Fiction, ou The Royal Tenenbaums. Aujourd'hui, mon but est de faire partie de cette communauté de cinéastes canadiens extraordinaires qui font de l'art avec leur propre style et selon leurs propres termes. L'avenir est prometteur !  

Moran : Plus jeune, je ne savais même pas que la cinématographie était une option de carrière. Regarder en boucle des films en VHS dans le sous-sol de mes parents est devenu mon obsession, qui s'est finalement transformée en une passion pour les clips musicaux et les films indépendants. J'ai commencé ma carrière en travaillant dans la photographie après avoir été initié à la création d'images grâce à un cours au lycée. Des années plus tard, j'ai rejoint des amis sur le tournage d'un court métrage et j'ai été fasciné par la façon dont toute l'équipe et les acteurs travaillaient ensemble et développaient des liens étroits au cours de la production. Quelques semaines plus tard, j'ai laissé tombé mon projet professionel initial pour commencer à travailler dans le cinéma.

Je suis toujours enthousiasmé par les nouvelles œuvres incroyables que mes pairs produisent et par l'énergie de la communauté cinématographique dans son ensemble lors des festivals et des projections locales. J'aime aussi regarder le travail des artistes qui repoussent leurs limites de manière surprenante. Plus récemment, j'ai été inspiré par une exposition des œuvres de Simone Forti et par une étonnante série de courts métrages de Garrett Bradley. 

Toutes les images sont gracieusement offertes par des réalisateurs.