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Beacons Of Hope

La réalisatrice Julia Swain, la cheffe opératrice Teodora Totoiu et la coloriste Corinne Bogdanowicz mettent en lumière le parcours du documentaire Lady Cameraman jusqu'à l'écran.

« La cinématographie a vraiment sauvé ma vie », déclare la cheffe opératrice Julia Swain dans les premières minutes du documentaire. Réalisé par Swain, le film retrace son voyage pour trouver et se connecter avec d'autres femmes qui travaillent dans la profession qu'elle a choisie et aimée - une carrière, indique-t-elle dans sa narration, qui l'a aidée à traverser des épreuves personnelles écrasantes. Le documentaire qui en résulte présente des documents d'archives ainsi que plus de 20 nouveaux entretiens avec des cheffes opératrices telles qu'Anette Haellmigk, Autumn Durald, Cybel Martin, et des membres de l'ASC, dont Natasha Braier, Reed Morano, Amy Vincent et Joan Churchill - cette dernière partageant l'histoire de sa carte syndicale qui donne son titre au documentaire - ainsi qu'avec la directrice exécutive nationale de la section 600 Rebecca Rhine, la vice-présidente exécutive de la production de Marvel Studios, Victoria Alonso, entre autres. En présentant leurs histoires, le documentaire donne de puissants exemples de femmes qui ont surmonté les barrières pour accéder à l'industrie cinématographique, offrant une vision d'espoir que Swain décrit comme « une lettre d'amour aux jeunes cheffes opératrices. »

Swain s'est associée à la cheffe opératrice Teodora Totoiu pour tourner Lady Cameraman, ce qu'elles ont fait au cours des dernières années, tout en construisant leurs carrières et en tournant une série de projets pour d'autres cinéastes. Panavision a fourni la plupart des caméras et des objectifs pour le documentaire, et l'étalonnage final s'est déroulé dans les locaux de Light Iron à Hollywood avec Corinne Bogdanowicz, coloriste DI principale. Panavision a récemment rencontré Swain, Totoiu et Bogdanowicz pour discuter du projet, dont la première a eu lieu au Festival international du film de Camerimage en 2020.

Julia Swain.

Panavision : Qu'est-ce qui vous a donné envie de tourner ce film ?

Julia Swain : J'étais sur le point d'obtenir mon diplôme de l'école de cinéma, où nous avions tous ces CO extraordinaires en résidence, notamment Bradford Young [ASC], Rodrigo Prieto [ASC, AMC], Guillermo Navarro [ASC] - et puis nous avons eu Mandy Walker [ASC, ACS]. En la voyant, j'ai réalisé qu'elle était la seule à tourner à ce niveau. J'ai donc entrepris de rencontrer davantage de ces héroïnes et d'en apprendre davantage sur les femmes pionnières de la cinématographie.

La forme ou l'objectif du projet ont-ils évolué au cours de sa réalisation, ou le film final est-il essentiellement ce que vous aviez imaginé au départ ?

Swain : Le film a énormément évolué. Ce n'est pas le film que j'avais l'intention de faire au début. J'ai commencé ce film en regardant simplement d'où viennent ces femmes et comment elles s'éclairent, mais quand nous avons regardé le montage, il manquait quelque chose. Par nature, je ne suis pas du genre à chercher le conflit, c'est probablement la raison pour laquelle j'avais adopté une approche très douce. Pourtant, il est évident que ce n'est pas sans raison qu'il y a toutes ces femmes dans mon film, et pour faire le film le plus fort possible, j'ai réalisé que je devais me plonger dans ce que cela signifiait. J'ai souhaité parler des problèmes auxquels les femmes ont été confrontées et de l'immense temps qu'il leur a fallu pour progresser dans ce secteur, mais sans tomber dans l'obscurité totale. J'ai donc fait revenir certaines d'entre elles pour une deuxième interview, et je leur ai parlé du fait d'être mère et CO, et de ce à quoi cette vie ressemble spécifiquement du point de vue d'une femme.

Teodora Totoiu : Je pense que cela a vraiment apporté au film, parce qu'il est soudain devenu moins question de « voici comment vous devenez CO et voici comment vous agissez techniquement sur le plateau », et plus de « voici ce que vous ressentez lorsque vous le faites ». Ce changement m'a beaucoup aidé.

Teodora Totoiu (à gauche) et Ellen Kuras, ASC.

Teodora, quand et comment avez-vous été impliquée dans ce projet ?

Totoiu : Julia fut l'une des premières personnes que j'ai rencontrées lors de mon entretien d'admission à l'école supérieure de cinéma. Elle avait un an de plus que moi, et elle a réussi à m'apaiser avant mon entretien. Nous sommes devenues amies, et ensuite, pendant ma troisième année, elle a mentionné ce projet. J'ai adoré cette idée, et c'est comme ça que tout a commencé. Quand nous avons commencé à tourner, j'étais en dernière année et Julia venait d'être diplômée.

À quoi ressemblait votre planning de tournage ?

Swain : Il y avait de longues périodes de pause. Je plaisante en disant que les CO sont les sujets de documentaires les plus difficiles parce qu'il n'y a pas beaucoup d'images d'eux, ils n'aiment pas être devant la caméra et ils sont très occupés. [Rires.] Nous avons essayé de planifier un entretien la veille d'un tournage, et je n'étais pas sûre qu'ils puissent venir, car - et je le savais - nos emplois du temps changent d'un jour à l'autre. Pourtant, nous avons eu de la chance, et il y a eu des jours où nous avons pu filmer trois femmes à la suite parce qu'elles se trouvaient en ville.

Ce fut un long processus. On éditait, on recevait des commentaires, et puis on devait aller chercher autre chose - il y avait beaucoup d'étapes répétitives. Savoir à qui cela est destiné et combien de personnes extraordinaires y participent m'a motivé à continuer.

Comment avez-vous trouvé toutes les personnes interviewées et tissé des liens avec elles ?

Swain : J'avais des amis et des mentors comme Johnny Simmons [ASC], Dagmar Weaver-Madsen et Bill McDonald, qui savaient que je me lançais dans ce projet, et ils m'aidaient à me présenter aux cheffes opératrices que je ne connaissais pas encore.

Comment avez-vous abordé le cadrage et l'éclairage des interviews ?

Totoiu : Nous voulions garder un éclairage cohérent dans l'ensemble, mais introduire une certaine distinction visuelle par la couleur. Un élément que nous avons abordé était : « Y a-t-il des couleurs que nous associons à leurs films ou à leurs émissions ? ». Par exemple, lorsque nous avons photographié Ellen Kuras [ASC], nous pensions à du bleu inspiré par Eternal Sunshine of the Spotless Mind, et pour Autumn Durald, nous avons pensé à du rose parce que Palo Alto était sorti il y a peu. C'était une façon amusante de les distinguer un peu tout en gardant la cohésion de l'ensemble des interviews.

Avez-vous pu disposer de deux caméras pour chaque interview ?

Swain : Nous avons toujours essayé d'avoir deux caméras. L'une était sur une ligne de mire statique concentrée sur moi, alors que la caméra B était sur un slider ou un dolly, avec un suivi d'avant en arrière. La caméra A pouvait commencer par un plan moyen et la caméra B suivait plutôt un plan américain, puis nous changions d'objectif à mi-chemin pour que la caméra A voit toute la chaise et que la caméra B enregistre un beau plan plus rapproché avec du mouvement. Comme nous étions sur scène, nous avions toujours de la place pour reculer, donc nous pouvions faire nos plans d'interview plus larges avec un 40 mm ou un 50 mm, et l'objectif plus long pouvait être un 75 mm.

Avez-vous ressenti une certaine pression en éclairant ces cheffes opératrices ?

Totoiu : Tout le temps ! [Rires.] Nous avons eu beaucoup de chance qu'elles soient si patientes et gentilles avec nous. Il y a eu des cas, surtout au début du projet, où les cheffes opératrices se sont assises et ont conseillé : « Mets cet élément un peu plus haut et incline-le vers le bas ». Elles savaient exactement comment la lumière touchait leur visage. Mais c'était vraiment enthousiasmant, surtout parce que j'ai tourné beaucoup d'interviews et de documentaires par la suite, et j'avais l'impression de comprendre tous ces petits détails qu'elles avaient soulignés quand elles étaient assises sur leur chaise.

Swain : C'est ça le truc, aussi : même si ce film n'allait nulle part, nous avons vécu l'expérience la plus incroyable et nous avons tellement appris de chacune d'entre elles.

Anette Haellmigk.

Comment avez-vous obtenu les images des coulisses du travail des cheffes opératrices ?

Swain : Toutes les CO nous ont aidé, ce qui a été incroyable. Pourtant, c'était encore très clairsemé, alors après quelques-unes de leurs interviews, nous fixions un moment pour venir les voir en plein travail afin de pouvoir filmer des bobines B d'elles dans leur élément, en train de faire leur travail. Je crois qu'il est très marquant de les voir travailler, diriger une équipe, avec une caméra sur l'épaule. Il était vraiment important pour nous d'avoir autant d'images que possible.

Une part importante de l'impact du film provient du point de vue et de la narration à la première personne. Julia, avez-vous prévu depuis le début d'inclure votre propre histoire dans le documentaire ?

Swain : Ce n'était pas quelque chose que j'avais prévu de faire. Je n'avais pas prévu de raconter mon histoire. Cette vulnérabilité est effrayante. Toutefois, j'ai appris qu'être vulnérable vous relie aux gens et les aide à se retrouver dans l'histoire que vous racontez. L'ASC m'a beaucoup aidé pour ce film avec ses ressources et commentaires. Ils m'ont aidé à l'envoyer à plusieurs monteurs afin d'avoir leur avis, et l'un des principaux points que les monteurs ont soulevé, c'est qu'il n'y avait personne à suivre. C'était juste une interview après une autre ; il n'y avait personne pour nous guider dans l'histoire. J'ai réalisé que plus le documentaire serait conscient de lui-même, plus il serait facile à suivre et plus il serait marquant au final. Aussi effrayant que cela puisse être, il m'a semblé juste de prendre ce point de vue, car je pense que beaucoup de jeunes femmes se demandent la même chose : où sont les femmes dans ces échelons supérieurs ? Quelles sont les femmes que je peux voir ayant fait cela ? Vers qui puis-je me tourner ?

Totoiu : Je suis si fière de Julia parce que je sais qu'elle était nerveuse à l'idée de devenir trop personnelle dans cette histoire, mais je pense que c'est ce qui rend ce film si fort. Être vulnérable, et expliquer son parcours et pourquoi on tourne ce film pour commencer, je pense que ça rend le film plus fort, surtout pour les aspirants CO.

Rachel Morrison, ASC, chez elle avec son fils.

Le fait de voir Rachel Morrison et Quyen Tran chez elles avec leurs enfants ajoute également une dimension puissante au film en montrant ces artistes, au sommet de leur art, dans cet espace personnel en dehors du travail. Comment cette séquence a-t-elle été réalisée ?

Swain : Au cours de l'évolution du film, lorsque j'ai réalisé à quel point il devenait personnel, je les ai approchées et leur ai demandé si nous pouvions les photographier avec leurs enfants pour personnifier cette idée de maternité et ce à quoi chacune ressemble dans le contexte de cette profession.

Totoiu : Julia et moi avons filmé Rachel et Q chez elles le même jour. J'étais chez Q et Julia était chez Rachel, et nous avons pu passer une journée avec chacune d'elles, en restant avec leurs familles, en apprenant à les connaître et à connaître leurs enfants. Lorsque nous avons interviewé Q et Rachel, avant d'aller chez elles, tout ce qu'elles avaient raconté à propose de la vie de famille était très inspirant. J'ai toujours su que je voulais un jour fonder une famille, mais il y avait toujours cette crainte : quel impact cela aurait sur ma carrière ? Mais en les voyant, cela semblait tellement faisable. En voyant à quel point elles sont passionnées par leur métier, mais aussi combien elles aiment leur famille et s'impliquent autant, j'ai eu l'impression que je pouvais y arriver aussi. Et en ce moment, je suis enceinte de 7 mois. En apprenant à les connaître, cela m'a vraiment aidé à me sentir plus enthousiaste et moins effrayée par l'avenir que j'étais sur le point d'entreprendre. Le fait de pouvoir jeter un coup d'œil dans ce monde de manière aussi intime s'est révélé très utile et inspirant.

Quyen Tran dans son jardin avec sa fille.

Comment avez-vous décidé de vous associer à Panavision et à Light Iron pour ce projet ?

Swain : J'étais diplômée et j'allais tourner mon premier long métrage indépendant, et j'avais été mise en relation avec Alexa Lopez comme représentante chez Panavision. Ce long métrage a été repoussé, alors j'ai appelé Alexa et lui ai dit : « J'ai cet autre projet sur lequel je dois me concentrer ». C'est un documentaire sur les femmes dans la cinématographie. Alexa m'a alors soutenue tout au long du projet et est devenue une énorme source de soutien et d'inspiration pour moi depuis. Non seulement Panavision nous a fourni une grande partie de ce dont nous avions besoin, mais Alexa m'a ensuite mis en relation avec Katie Fellion [responsable du développement commercial et de la stratégie de flux de travail de Light Iron], et nous avons pu travailler avec Light Iron jusqu'à la fin, ce qui était extraordinaire.

Sur quoi vous êtes-vous principalement concentrée pendant la note finale ?

Swain : Nous n'allions évidemment pas toucher aux extraits de films que ces cheffes opératrices ont réalisés, donc nous nous sommes concentrés sur les interviews et la bobine B que nous avions tournée, en réglant les carnations de la peau et en faisant ressortir les couleurs. Nous nous sommes concentrés sur les différents tons de chaque interview et avons essayé d'améliorer ce qui était là.

Corinne Bogdanowicz: Julia et Teodora voulaient que tout soit naturel. Elles voulaient que les séquences tournées avec différentes caméras aient un ton similaire, donc c'est vraiment ce sur quoi nous nous sommes concentrés, obtenir les niveaux de contraste et les couleurs pour qu'ils soient alignés au fur et à mesure qu'ils passent et que tout semble plus d'une seule pièce. Nous avons adouci le contraste à certains endroits pour que les choses soient plus fluides.

Totoiu : S'assurer de la cohésion de l'ensemble a été une tâche essentielle. En fonction de la caméra utilisée, certaines images étaient plus saturées que d'autres. Il s'agissait vraiment d'affiner les détails, d'ajouter un peu de vignettage par exemple, ou si nous étions dans une pièce dont l'aspect était complètement différent de celui des autres interviews, d'imiter un aspect similaire. Il s'agissait toujours de petits détails que nous ajustions pour donner l'impression que c'était un peu plus net.

Bogdanowicz : L'essentiel avec les documentaires est qu'il y a un tas d'interviews qui ont été tournées à différents moments avec différentes caméras. Nous avons donc choisi cela et mis en place des looks pour chaque emplacement, chaque configuration, puis nous sommes revenu en arrière et avons nettoyé l'ensemble pour que tout soit fluide. Ce type de projet ressemble à un patchwork : vous avez toutes ces pièces qui sont toutes très différentes, et vous les faites aller ensemble. [Rires.]

Nancy Schreiber, ASC.

Comment avez-vous collaboré toutes les trois pendant l'année scolaire ?

Bogdanowicz : Julia et moi étions dans deux salles distinctes à Light Iron, et Teodora regardait le flux à distance - c'est ainsi que se déroulent la plupart des sessions de nos jours.

Totoiu : En raison de ma grossesse et de la COVID, je ne me sentais pas en confiance à l'idée de prendre l'avion depuis Seattle, mais c'était incroyable de pouvoir quand même y participer. J'avais un iPad Pro, et il était configuré de manière à ce que je puisse voir le plein écran et ensuite zoomer.

Bogdanowicz : Très souvent, lorsque nous faisons le DI, le CO part tourner autre chose, et nous avons une conversation ou nous nous envoyons des photos dans les deux sens, mais maintenant nous pouvons soit collaborer en direct à distance, soit nous avons des plateformes sur lesquelles nous pouvons télécharger des fichiers pour qu'ils les révisent eux-mêmes, ce qui est aussi génial. C'est très flexible. Dans ce cas, tout le monde a pu voir tout en même temps et donner ses notes. Nous avons fait un appel vidéo Google Meet afin que nous puissions toutes nous voir et nous parler au fur et à mesure ; nous avons un iPad installé dans chaque pièce de l'établissement pour cela, et Teodora a rejoint l'appel depuis Seattle.

Cynthia Pusheck, ASC.

Quel sentiment les entretiens - et le projet dans son ensemble - vous ont-ils laissé ?

Totoiu : Je ressens un regain d'énergie et d'inspiration chaque fois que je le regarde. C'est un documentaire que j'aurais aimé regarder quand j'ai commencé à travailler comme cheffe opératrice il y a 10 ans. J'ai beaucoup de chance d'avoir rencontré Julia et d'avoir pu travailler avec elle sur ce film. Je garderai toujours en mémoire ce que ces cheffes opératrices nous ont dit - ce qu'elles ont dit sur le travail sur le plateau, la vie de famille, tout cela. Un fil conducteur des entretiens est que l'objectif n'est pas d'être une « femme cheffe opératrice ». Nous voulons simplement qu'on nous considère comme des cheffes opératrices. Le but est d'embaucher la personne qui convient au poste. Nous sommes passionnées par notre métier, et nous voulons travailler sur des choses pour lesquelles nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes, indépendamment de toute autre chose. Cela a changé ma façon de penser, surtout lorsque j'ai obtenu mon diplôme. J'étais dans un espace mental complètement différent avant cela.

Swain : Toutes ces femmes sont des forces positives et incroyables. Chaque fois que je me suis assise sur cette chaise en face de l'une d'entre elles, j'étais tellement enthousiaste vis-à-vis de ma profession et tellement inspirée pour continuer. Je me sens invincible en regardant ce film. Et cela reste toujours effrayant, mais j'ai appris qu'être vulnérable nous relie. Un autre enseignement est que le chemin de chacun est différent, alors il ne faut pas se mettre la pression. Tout le monde dans le film est l'exemple d'un chemin complètement différent. Chaque personne a sa propre histoire, et c'est une très belle chose.

Joan Churchill, ASC.

Toutes les images sont gracieusement offertes par des réalisateurs.