Ole Bratt Birkeland, BSC et Chris Dowling à propos de L'Effet veuf
Diffusé actuellement sur Netflix, L'Effet veuf (Good Grief) est le premier long métrage réalisé par Daniel Levy, connu pour être le co-créateur et co-protagoniste de la série Bienvenue à Schitt's Creek. Offrant une vision édifiante de la gestion de la perte d'un être cher et de son caractère irréversible, L'Effet veuf suit Marc (joué par Levy), un homme qui se contentait de vivre dans l'ombre de son très influent mari, Oliver (Luke Evans). Mais lorsque ce dernier meurt inopinément, le monde de Marc s'écroule, l'entraînant avec ses deux meilleurs amis, Sophie (Ruth Negga) et Thomas (Himesh Patel), dans un voyage d'introspection à Paris, qui leur révèle de dures vérités auxquelles ils doivent tous faire face. Les choix du chef opérateur Ole Bratt Birkeland, BSC et du chef électricien Chris Dowling ont été motivés par la volonté d'embrasser ces réalités. Les deux collaborateurs évoquent ici leur démarche dans l'élaboration du langage visuel du film.
Panavision Londres a fourni l'ensemble des caméras et des objectifs nécessaires à la production, tandis que Panalux Londres a assuré les services d'éclairage. Les réalisateurs ont également travaillé avec Light Iron pour les rushes et les travaux de finition, comme les effets spéciaux (VFX) et la couleur finale. Les contributions VFX de Light Iron englobaient le tracking 3D, le placage d'environnement, la projection vectorielle de mouvement, la rotoscopie, la peinture et le compositing multicouche ; lors de l'étalonnage final, Birkeland a fait équipe avec le coloriste en chef, Ian Vertovec. Soutenus tout au long de la production et de la postproduction, les réalisateurs ont pu explorer librement et avec talent les aspects les plus marquants du deuil.
Panavision : Ole, comment avez-vous été associé à ce projet ?
Ole Bratt Birkeland, BSC : J'ai lu le scénario de L'Effet veuf et j'ai pensé qu'il s'agissait d'un très beau projet, portant sur la gestion d'émotions et de situations de vie difficiles. Lorsque j'ai rencontré Dan, j'ai été séduit par ses idées et par le lien personnel qu'il entretenait avec l'histoire et les sentiments exprimés. Nous étions tous les deux d'accord sur le fait que le cinéma peut être un moyen de se libérer de pensées complexes et de donner libre cours à des concepts qui, autrement, seraient difficiles à assimiler.
Comment Daniel Levy a-t-il décrit ce qu'il avait en tête pour la partie visuelle du projet ?
Birkeland : Dan désirait explorer une dimension réelle qui donne un caractère chaleureux à nos personnages. Pour y parvenir, nous avons notamment veillé à ce que la caméra se concentre sur les personnages à chaque instant, mais qu'elle ne soit pas statique. C'est subtil, mais presque tout est filmé à la main ou au Steadicam.
Votre approche de la lumière a-t-elle été guidée par des références ou des inspirations spécifiques ?
Chris Dowling : J'ai davantage abordé ces aspects en m'appuyant sur des planches d'ambiance et des nuances de couleurs qu'en me référant directement à des plans de films. Certes, il est utile de se représenter clairement la manière dont on envisage le rendu, mais je pense que l'on peut rapidement brouiller les lignes si l'on copie les autres. Je préfère me munir d'un guide et discuter de ces éléments sans me référer à des films, si possible. Une foule de choses peuvent nous éclairer, comme la mode, l'art, la musique, les livres, les photos, les décors et les paysages. Si vous faites référence à un film, c'est que cela a déjà été fait, et où est le défi ? Prendre une image ou une œuvre d'art fixe et la transposer en une scène en mouvement, et faire en sorte que cela fonctionne, voilà le véritable challenge.
Chris, comment décririez-vous le style d'éclairage que vous, Ole et Daniel essayiez d'obtenir ?
Dowling : « Une lumière naturelle augmentée ». Je n'aime pas trop les scènes fortement éclairées dans ce type de récit, et Ole est tout à fait du même avis. Cependant, dans ce projet spécifique, pour faire ressortir le parcours des personnages, nous devions élargir légèrement le spectre. Ainsi, lorsque nous étions au cœur d'une scène chaleureuse et joyeuse, nous sommes allés un peu au-delà des tons chauds et naturels ordinaires, et de la même manière, pour les séquences froides et tristes, nous avons opté pour des tons légèrement plus froids et plus sombres, afin d'accentuer le changement.
Les dispositifs d'éclairage étant très limités dans chacun des lieux, nous savions que nous devions faire en sorte que la lumière circule de façon aussi fluide que possible, de manière à renforcer l'ambiance de chaque scène. Nous avons simplement essayé de maintenir une faible empreinte carbone tout au long du projet. Là où c'était faisable, nous nous sommes servis des luminaires à LED les plus récents afin de limiter au maximum l'utilisation d'un groupe électrogène. Actuellement, les avancées de ce secteur ont atteint un tel niveau qu'il est véritablement possible de commencer à faire bouger les choses. Disposer de la technologie la plus moderne nous a également donné un accès direct à une grande quantité de fonctions de contrôle. Nous avons ainsi pu accélérer et affiner les réglages pendant le développement de la prise de vue.
Avez-vous préféré une configuration d'éclairage en particulier sur cette production ?
Dowling : Mon installation d'éclairage préférée finit généralement par être celle qui nous a causé le plus de difficultés et les pires maux de tête. Celle qui vous met à l'épreuve et vous pousse à aller de l'avant. Il est très satisfaisant de pouvoir résoudre les problèmes et de faire croire qu'on est parvenu facilement à un résultat. Pour ce projet, je dirais que c'est l'installation du tournage en studio. Nous étions dans un minuscule studio situé au-delà d'Acton, sans hauteur, sans espace, sans matériel, sans réseau. Cette configuration représentait un véritable défi, compte tenu de l'échelle des décors requis - les scènes de la chambre à coucher de Paris ont été tournées dans ce lieu. Nous avions besoin de deux systèmes d'éclairage ainsi que d'un Translight, et le décor comportait d'immenses fenêtres. Quand j'ai vu les images à l'écran, je me suis dit : « Oui, on a tout déchiré ». L'éclairage et l'utilisation intelligente de l'objectif et de la caméra d'Ole nous montrent le chemin. Même avec d'énormes contraintes, il est possible d'obtenir des résultats étonnants.
Ole, vous avez travaillé avec Ian Vertovec à Light Iron avant L'Effet veuf. Comment cette relation et cette collaboration ont-elles évolué au fil du temps ?
Birkeland : La première fois que j'ai travaillé avec Ian, c'était sur Tales From the Loop. Il a fait un job remarquable sur ce projet, alors quand est venu le moment d'étalonner L'Effet veuf, j'ai sauté sur l'occasion de refaire équipe avec lui. Il possède un œil formidable et un grand sens du récit. C'était génial de pouvoir compter sur son expertise pour peaufiner les visuels. Nous travaillons actuellement sur un autre film, et poursuivre l'exploration d'idées avec lui est très enthousiasmant.
En quoi ce projet diffère-t-il des autres dans vos carrières respectives ?
Birkeland : Après avoir réalisé quantité de projets très différents au fil des ans, faire quelque chose de poétique autour d'événements banals mais ayant un impact considérable sur la vie des gens était très excitant pour moi - traduire le caractère dévorant du deuil, mais aussi la possibilité de changement et de positivité cachée dans l'acte de vivre avec lui.
Dowling : Ce film a été le premier projet au Royaume-Uni pour lequel j'ai tenté d'adopter intégralement des LED et de déterminer s'il était possible de créer une belle image avec des techniques d'éclairage que l'on aurait qualifiées de « non conventionnelles » il y a 10 ans. J'étais déjà passé par ce procédé pour un film en Norvège, et cela avait bien fonctionné, alors j'ai pensé que si le projet s'y prêtait, nous pourrions le faire ici. Bravo à Ole pour avoir adopté cette technologie. Il a été courageux de me laisser prendre les devants et de me faire confiance pour lui fournir la qualité de lumière qu'il souhaitait. Je dirais que 80 à 85 % du film a été tourné à l'aide de projecteurs à LED.
Quiconque a utilisé des projecteurs à LED, des projecteurs au tungstène ou des projecteurs HMI vous dira que ce n'est pas la même chose - les sensations et les réactions sont différentes. L'art et la technique consistent à savoir cela et à mettre les choses en place pour retrouver la chaleur et la sensation naturelle du tungstène et la netteté de l'HMI pour retranscire la lumière du jour.
Qu'est-ce qui a motivé chacun d'entre vous à poursuivre sa carrière dans cette industrie ?
Birkeland : J'ai toujours été intéressé par la narration, depuis mon plus jeune âge, tant dans les livres que dans les bandes dessinées ou les films. N'étant pas très doué pour l'écriture ou l'illustration, j'ai décidé de tester le cinéma et je suis instantanément tombé amoureux de la caméra. C'est un outil extraordinaire pour toucher émotionnellement les gens et créer des mondes qui se rejoignent. Je me sens extrêmement chanceux de pouvoir vivre de ce métier.
Dowling : J'ai commencé ma vie comme électricien dans le secteur résidentiel et commercial. J'ai été licencié avec 300 autres électriciens lorsque nous avons terminé les travaux du terminal international de Waterloo dans le cadre de la construction du tunnel sous la Manche. J'ai ensuite trouvé un emploi dans la réparation d'équipements d'éclairage chez Lee Lighting, puis j'ai très vite participé à la conception et à la construction de nouveaux équipements. J'ai ainsi emmené à Prague le tout premier ballon éclairant à l'hélium 8K que j'avais aidé à construire, pour le premier Mission impossible. Je n'ai jamais regardé en arrière !
Qu'est-ce qui vous stimule tous les deux aujourd'hui dans votre travail ?
Dowling : Plusieurs choses, en fait. J'aime le côté collaboratif du secteur et le fait de faire équipe avec des gens sympathiques, et je prends beaucoup de plaisir à discuter d'une problématique et à trouver le moyen de la résoudre et d'obtenir les résultats escomptés. Je me suis également engagé dans un rôle de parrain. J'ai eu un peu de mal à me faire reconnaître dans la profession lorsque j'ai commencé, et je me suis juré que si jamais je pouvais aider les autres, je le ferais, et c'est pourquoi j'ai décidé de former et d'aider les nouvelles générations dans la mesure du possible.
Birkeland : Ce qui me motive aujourd'hui, c'est de voir comment le cinéma évolue constamment et de découvrir ce que d'autres font avec ce médium, mais aussi de faire partie d'une communauté de cinéastes qui essaient toujours de créer des histoires qui rassemblent. Mon équipe et mes collaborateurs contribuent toujours à cette dynamique, alors je tiens à saluer Chris Dowling, John Ferguson, qui a utilisé la Steadicam, le premier assistant Lawrence Beckwith, la deuxième assistante Clare Seymour et le DIT Mark Kozlowski. Sans eux, tout cela n'aurait pas été possible.
Photographie du groupe par Chris Baker. Toutes les photos sont publiées avec l'aimable autorisation de Netflix.