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Golden-Hour Sci-Fi

Jeff Cronenweth, ASC, utilise la DXL2 et les optiques grand format de Panavision aux côtés du coloriste en chef de Light Iron, Ian Vertovec, pour ajouter une pointe de nostalgie aux paysages crépusculaires de Tales From the Loop.

Tales From the Loop, la nouvelle série de huit épisodes actuellement diffusée sur Amazon Prime Video, nous plonge au cœur des évènements d'une petite ville de l'Ohio bâtie au-dessus d'une mystérieuse machine qui transforme l'imaginaire en réalité du quotidien pour ses habitants. Inspirée par les peintures de l'artiste suédois Simon Stålenhag, la série a été écrite par l'auteur-producteur Nathaniel Halpern, tandis que l'épisode pilote fut l'occasion des retrouvailles entre le réalisateur Mark Romanek et son collaborateur de longue date, Jeff Cronenweth, ASC.

« Si Mark aime quelque chose, il n'a pas peur de l'utiliser comme référence, » déclare Cronenweth, qui travaillait encore comme caméraman lors de sa première collaboration avec le réalisateur au milieu des années 1990. Une fois devenu chef opérateur, Cronenweth allait poursuivre l'aventure aux côtés de Romanek en filmant des clips musicaux et des publicités, ainsi que le film Photo obsession. Lors de la phase préparatoire de l'épisode pilote de Tales From the Loop, le chef opérateur remarque que, « Les réalisateurs tels que Ingmar Bergman, Andrei Tarkovsky et Krzysztof Kieslowski étaient nos sources d'inspiration. Nous avons redécouvert leurs films, leurs choix de lumière, et le rythme particulier qu'ils imposaient aux mouvements de leur caméra. Tales From the Loop utilise énormément de ce type d'approche narrative méthodique très scandinave.

La production a également permis les retrouvailles de Cronenweth avec le coloriste en chef de Light Iron, Ian Vertovec, avec lequel il avait précédemment collaboré sur une multitude de projets, dont les films The Social Network, Hitchcock et A Million Little Pieces. « J'ai appelé Ian dès que j'ai su que j'avais le projet et que nous allions travailler avec Light Iron, » déclare le chef opérateur. « J'ai commencé à lui parler de notre vision, de la façon dont nous allions tourner le film, du résultat final souhaité, et je lui ai donné les mêmes références que celles que Mark, Nathaniel et moi avions visionnées. Nous avons discuté du rythme, de l'ambiance, et de la couleur. »

« Nous avons aussi beaucoup échangé sur la tonalité de la peau, du moment de la journée, et de l'époque que nous devions recréer, » ajoute Vertovec, l'un des cofondateurs de Light Iron. « Nous ne voulions pas trop en faire avec l'ambiance rétro, mais nous tenions vraiment à souligner la nostalgie et l'effet intemporel ; nous voulions que les spectateurs repensent à leur enfance. Nous voulions déclencher cette émotion, une espèce de mélancolie nostalgique, et nous devions trouver la palette de couleurs qui pourrait nous y aider.

« L'une des choses que j'ai remarquées dans les tableaux de Simon, c'est son utilisation des couleurs naturelles, » poursuit Vertovec. « Ce n'était absolument pas une palette de couleurs habituelle pour le monde de la science-fiction ; c'était une lumière plus douce, faisant penser à une journée qui s'achève, presque entre chien et loup. Rien n'était trop coloré, trop vif, ou trop contrasté. Tout était beau, et cela rejoignait parfaitement ce que pensaient Jeff et Mark. Ils ne voulaient pas « superposer » une ambiance, mais plutôt laisser les sensations naturelles filtrer à travers le choix des couleurs. »

Les réalisateurs ont également décidé très tôt qu'ils allaient utiliser un capteur grand format pour Tales From the Loop. « Nous avons opté pour le grand format pour conférer à la série davantage d’envergure qu'avec ce qui se fait habituellement pour la télévision, et aussi pour être raccord avec la faible profondeur de champ, » explique Cronenweth. « Je suis inflexible sur la profondeur de champ, c'est l'un de nos outils narratifs, et les spectateurs seront exactement là où nous voulions qu'ils soient. De plus, dans la série, vous avez cette petite fille qui est perdue dans ce monde, et la faible profondeur de champ était idéale pour l'isoler et rendre le reste du monde plus déconcertant et plus abstrait. »

En partenariat avec Panavision, Cronenweth décida d'utiliser la caméra Millennium DXL 2​​​​​​​ associée à un grand format Panaspeed et à des primes Primo 70. « J'avais utilisé la DXL2 sur d'autres projets par le passé, et j'étais déjà fan, c'est ma caméra de prédilection lorsque je souhaite utiliser le célèbre catalogue d'objectifs de Panavision, » souligne le chef opérateur. En parlant de l'imageur 8K et de la résolution native 1600 ISO de la caméra, il ajoute, « L'idée d'une résolution plus élevée et de la vitesse me plaisait beaucoup, particulièrement pour certaines scènes en extérieur jour au crépuscule, et certains plateaux de tournage. Nous avons filmé en 16:9, ce qui était une exigence du studio, et pour quelques effets visuels, nous sommes montés à 8K, mais à tous égards, il s'agit d'une série en 6K.

« Au moment de tester nos objectifs, les Panaspeeds et leurs propriétés optiques répondaient parfaitement à ce que nous recherchions pour notre palette de couleurs, » ajoute-t-il. « Ce sont des instruments très sophistiqués, mais on peut aussi les utiliser pour créer un effet 'imparfait. En fait, leurs aberrations les rendent plus authentiques. Au départ, nous n'utilisions pas un ensemble complet, et nous avons donc ajouté les Primo 70, qui étaient parfaits. Ils sont légèrement plus propres que les Panaspeeds, et nous avons utilisé un peu de diffusion de temps à autre. Je me suis dit que si nous pouvions filmer les scènes principales avec les Panaspeeds, nous pourrions plus aisément les associer aux gros plans filmés avec les Primos 70.

Pour sa LUT, Cronenweth a opté pour la table de correspondance de couleur Light Iron Color 2 Film intégrée à la DXL2. Vertovec a participé au développement du système de couleur Light Iron original de la DXL, et par la suite à celui des LUT Light Iron 2. « Jeff a examiné cette LUT [Light Iron Color 2 Film], » explique Vertovec, « et je pense qu'il n'avait aucune idée que je l'avais développée en grande partie d'après les projets sur lesquels nous avions travaillé ensemble. »

Une fois que Cronenweth a appris les origines de la LUT, le chef opérateur a déclaré, « J'ai compris pourquoi cette table m'attirait, c'est mon univers esthétique condensé dans une LUT. J'aime la façon dont les couleurs se déplacent, les niveaux de noir, les ombres détaillées, j'aime tout simplement cette science des couleurs. La façon dont elle interprète les couleurs s'accorde parfaitement avec tout ce que j'ai utilisé sur le tournage d film. »

Parmi les caractéristiques de la LUT, Vertovec explique, « elle tire légèrement les bleus vers le cyan, et les verts un peu vers le jaune, ce qui peut rendre l'éclairage frontal de l'herbe et des arbres plus naturels, moins électronique. Nous avons adapté le cercle chromatique pour le rendre un peu moins 'vrai', mais c'est là toute la beauté du cinéma : essayer de créer un rendu artistique d'après le rendu des couleurs. »

Au fil des épisodes, la série passe d'une saison à l'autre, avec le pilote en hiver, puis successivement le printemps et l'été jusqu'au début de l'automne. Bien que l'histoire se déroule dans l'Ohio, la production a choisi Winnipeg, dans la province canadienne du Manitoba, comme lieu de tournage, un emplacement idéal, en partie parce que « c'était plat et indéfinissable, et au beau milieu de l'hiver, » remarque Cronenweth.

« Le scénario avait beaucoup de scènes nocturnes, mais nous avions aussi beaucoup d'enfants dans quasiment chaque scène, et les lois canadiennes sont, comme il se doit, très strictes au sujet des tournages avec des enfants, » ajoute-t-il. « En gardant cela à l'esprit, et après avoir observé plusieurs couchers de soleil, nous avons décidé de filmer l'ensemble des scènes nocturnes au crépuscule. Ainsi, nous pouvions garder nos jeunes artistes, et en planifiant bien nos scènes et en les répétant dans la journée, le crépuscule durait juste assez longtemps pour nous donner ce dont nous avions besoin. Nous préparions environ six setups de deux caméras par scène, et nous la tournions en 45 minutes à une heure.

« De plus, au crépuscule, les arbres se démarquaient encore contre le ciel, ce qui nous a donné une belle profondeur, particulièrement pour les grands espaces ouverts, » ajoute-t-il. « Nous avions tellement plus de détails, et nous pouvions vraiment ressentir l'environnement. » Et vu que cela se répète tout au long de la série, on peut véritablement imaginer qu'il s'agit d'un ciel habituel pour cette région, que sa couleur ne change pas. »

Pour l'étalonnage de couleur final, « Nous avons beaucoup échangé sur la façon de conserver ce crépuscule perpétuel, » précise Vertovec. « L'histoire se passe dans l'Ohio, mais je pense que l'ambiance se rapproche de la Scandinavie, là où les jours peuvent être très longs et vous avez un cycle jour-nuit très intéressant. Nous avons essayé de donner l'impression qu'il s'agissait du plus long coucher de soleil de toute l'histoire. Cela ajoute un côté un peu surnaturel, un peu magique. »

L'objectif principal de l'étalonnage était de garder la cohérence avec l'atmosphère que les réalisateurs avaient définie au moment de la production. « C'est à la fois doux et riche, » décrit Vertovec. « Il y a du contraste, mais ce n'est pas un contraste agressif. » En procédant à l'étalonnage sur un système FilmLight Baselight, Vertovec a ajouté du contraste « uniquement aux zones avec des détails plus grossiers, pas sur les détails fins, » précise-t-il. « Si vous ajoutez trop de contraste à quelque chose de très détaillé et avec une fréquence élevée, vous obtenez un rendu très tranchant. Mais si vous ajoutez le contraste uniquement aux zones de basse fréquence, vous pouvez obtenir une image harmonieuse, riche, mais sans le côté agressif. »

« Sur une série, le temps alloué à la DI est moindre que sur un film, » souligne Cronenweth, « j'ai donc laissé Ian s'occuper de la première ébauche tout seul, et honnêtement, j'étais prêt à envoyer le résultat exactement tel qu'il l'avait préparé. Après avoir travaillé ensemble sur autant de films, nous nous comprenons parfaitement. »

Suite au travail de Cronenweth sur l'épisode pilote, Ole Bratt Birkeland et les membres du CSC Luc Montpellier et Craig Wrobleski ont pris le relais pour le reste de la cinématographie de la saison en gardant les mêmes objectifs, la caméra et la LUT. « Ole et Luc nous ont rejoint sur le plateau une semaine avant le début de leur tournage afin d'observer ce que nous faisons, » souligne Cronenweth. Et il ajoute dans un éclat de rire, « C'était la première fois de ma carrière que je revenais vérifier mon moniteur avec deux autres chefs opérateurs assis juste derrière moi ! Ils voulaient connaître le chemin qu'empruntait la série afin qu'ils puissent ensuite filmer leurs propres épisodes en restant cohérents. »

En travaillant avec chaque chef opérateur, Vertovec précise, « Je me suis assuré que cette constance soit préservée dans l'étalonnage. Je demandais toujours à chaque chef opérateur de me dire ce dont ils avaient besoin pour leurs épisodes, et ensuite, je faisais une référence croisée avec certains personnages d'autres épisodes pour veiller à ce que la tonalité de la peau et la palette de couleurs soient cohérentes avec le reste de la série. »

Et pour garantir cette même vision tout au long de la série, Halpern participa à l'étalonnage de chaque épisode. « Nathaniel voulait à tout prix préserver cette atmosphère nostalgique, » ajoute Vertovec. « Et la couleur jouait un rôle essentiel. Il tenait à ce que toute la série utilise une palette de couleurs en demi-teinte, et que rien ne soit tout blanc ou tout noir, pas même la neige, qui était d'un blanc légèrement cassé, et s'il y avait une zone vraiment sombre, elle ne devait pas être totalement noire. C'était formidable de l'avoir à nos côtés pour l'étalonnage, car il savait exactement ce qu'il voulait. »

Amazon voulait à la fois une copie HDR10 et une copie SDR pour Tales From the Loop. Cependant, plutôt que de procéder à un étalonnage séparé pour chaque copie, une méthode qui aurait nécessité de gérer deux calendriers de projet distincts tout en intégrant et en surveillant les effets visuels de part et d'autre, Vertovec opta pour un flux de travail en Dolby Vision, dans lequel la version SDR était interpolée avec l'étalonnage HDR. « Nous travaillions en HDR, et la piste SDR suivait le rythme, » explique Vertovec. « Nous faisions surtout attention à la version HDR, tout en ayant un œil sur la SDR pour nous assurer que tout fonctionnait correctement. Et une fois que nous étions satisfaits de la version HDR, nous pouvions nous occuper de la SDR en procédant à quelques réglages finaux rapides et minimes. Et vu que nous faisions les deux copies simultanément, nous avions davantage de temps à consacrer à l'aspect créatif.

Cronenweth s'accorde à dire que le temps gagné en évitant d'avoir à gérer deux calendriers de projet distincts « nous a permis de passer plus de temps ensemble. Et cela nous a également permis d'apprécier les différences de nuances de chaque version. C'était vraiment fascinant et très instructif de voir les deux en même temps. »

Tandis que les enregistrements parvenaient à Vertovec, le coloriste se souvient avoir été constamment « bluffé par les paysages, tout simplement majestueux. Vous avez un ciel immense, vraiment impressionnant, et tellement d'endroits aux alentours de Winnipeg depuis lesquels on peut voir l'horizon. C'est plat, vaste et grandiose. Travailler en HDR fut une expérience exceptionnelle, car nous pouvions vraiment maximiser ces environnements. »

Et Cronenweth ajoute, « Winnipeg est un endroit fabuleux. J'avais une équipe remarquable. Ils étaient tous chaleureux et créatifs, et leur contribution a été immense. Ils ont fait un travail phénoménal. »