Le chef opérateur Oren Soffer concernant le court-métrage See You Soon
Vincent vit à Los Angeles, Anthony à New York. Ils se sont connus sur une application de rencontre et se parlent depuis plusieurs mois à distance. Un jour, Vincent s'envole pour New York afin de passer un long week-end avec Anthony. Leur premier jour est ponctué de moments embarrassants et de rapprochements maladroits qui laissent néanmoins place à une intimité profonde, à la fois agréable et effrayante pour chacun d'eux. À mesure qu'ils se rapprochent, ils ne peuvent s'empêcher de penser au départ de Vincent qui approche également et qu'une fois le week-end terminé, ils seront à nouveau séparés par des milliers de kilomètres.
Écrit et réalisé par Tyler Rabinowitz et tourné par le chef opérateur Oren Soffer, le court-métrage de 16 minutes See You Soon met en vedette James Cusati-Moyer dans le rôle de Vincent et Jonny Beauchamp dans celui d'Anthony. Ce projet est le dernier d'une série de collaborations entre Soffer et Rabinowitz, qui a commencé par le film de thèse de ce dernier à l'université de New York. Tourné à New York pendant quatre jours au cours de l'été 2019, See You Soon est sorti en ligne le 27 juin, au moment de la célébration du mois des fiertés de cette année. (Le court métrage peut être visionné ici.)
Le court-métrage a été réalisé à l’aide d’une caméra Alexa Mini et d'objectifs Panavision Ultra Speed, tous fournis par Panavision New York. « La conception du film, et la façon dont nous avons utilisé les objectifs et la caméra pour créer de l'intimité, a été pensée pour répondre à ce que Tyler et moi pensons être un manque de représentation des relations gays intimes », explique Soffer. « En tant que cinéastes queers, il était vraiment important pour nous d'apporter à l'écran une histoire visuelle peu représentée, et encore moins de cette façon. »
Soffer s'est récemment entretenu avec Panavision pour mettre en lumière son approche créative du projet et celle de Rabinowitz. (Note, l'entretien suivant contient des spoilers).
Panavision : Y avait-il des références visuelles particulières dont Tyler et vous vous êtes inspirés ?
Oren Soffer : Lorsque Tyler m'a envoyé la première version de ce scénario, notre processus a en fait commencé par la musique. Il a dit : « En lisant ça, écoute "White Ferrari" de Frank Ocean. Je veux que ce film donne la même impression que cette chanson ». C'est donc le premier média que nous avons consommé en réfléchissant aux émotions que nous voulions transmettre à travers ce film, et enseuite nous avons commencé à réfléchir à son esthétique. En fait, nous n'avons pas échangé une tonne de références ; je pense que nous avons fait le choix conscient de suivre notre instinct sur beaucoup de choses. Les deux [longs métrages] qui nous ont inspirés en termes de ton et d'ambiance étaient Call Me By Your Name [réalisé par Luca Guadagnino] et Week-end d'Andrew Haigh, mais sur le plan stylistique, nous nous sommes un peu écartés de ces deux films.
Nous voulions que tout le film se concentre sur l’émotion entre les deux personnages. Tout dans le style visuel devait donc être naturel, très minimaliste et peu stylisé. Tout cela devait illustrer le monde de ces deux jeunes hommes et ce qu'ils ressentent en passant ce week-end ensemble. Nous voulions nous débarrasser de toute distraction en termes de style visuel et faire simple.
Comment en êtes-vous arrivés à choisir les objectifs Ultra Speeds ?
Soffer : Après la thèse que Tyler a dirigée à l'Université de New York, Panavision nous a aidés sur des clips musicaux que j'ai tournés et qu'il a produits et/ou réalisés. Ils nous ont beaucoup soutenu au fil des ans, alors quand nous nous sommes lancés dans ce projet, Panavision a été le premier endroit auquel nous avons pensé, et j'ai contacté Marni Zimmerman pour voir s'ils voulaient être des nôtres une nouvelle fois.
Tyler et moi sommes rapidement tombés d'accord pour choisir des objectifs anamorphiques, par rapport à leur sphéricité. Nous voulions un format d'image traditionnel, pas un écran large, afin de réunir ces deux personnages dans le cadre et de souligner le lien qui les unit. Et les Ultra Speeds étaient mon premier choix ; ce sont mes optiques sphériques préférées. Le verre est magnifique. La prise de vue à grande ouverture, comme j'ai tendance à le faire, crée des « défauts » visuels très esthétiques en termes d'astigmatisme, de bokeh, de falloff et tout le reste. C'était parfait pour l'ambiance que nous voulions créer avec ce projet. Cela donne un effet rêveur, un peu éthéré. Et j'aime le fait que les objectifs soient très rapides : lorsque vous les utilisez à grande ouverture, la profondeur de champ diminue très rapidement. Ce sentiment de séparation entre les personnages et l'arrière-plan faisait partie du langage visuel que nous souhaitions. Nous voulions qu'ils se sentent isolés du monde, tous les deux ensemble et séparés de l'environnement.
Cela souligne vraiment l'intimité entre eux.
Soffer : L'intimité était le mot clé qui a guidé toutes nos décisions créatives : le format d'image, le choix de l'objectif, la façon dont nous avons tourné avec les objectifs, et aussi le choix de distances focales plus longues, encore une fois pour diminuer la profondeur de champ et accentuer ce sentiment d'isolement. Nous n'avons tourné des gros plans avec un objectif large qu'à quelques reprises, à des moments précis du film où nous voulions créer un sentiment de présence physique, pour amener le public dans le monde des personnages. À mesure qu'ils se rapprochaient, nous utilisions des objectifs plus longs pour créer cette tension, comme si la séparation planait au-dessus d'eux, car ils savent tous les deux qu'ils devront se quitter bientôt. Mais ensuite, pour la scène où ils se disputent, c'est en fait là que nous avons tourné avec des objectifs plus larges et plus rapprochés, pour les rapprocher au moment où ils se séparent. C'était une subversion intentionnelle et subtile de la proximité physique du public avec les personnages.
Au début du film, il y a un long plan du couple qui marche vers la caméra, un extérieur de jour avec le pont de Brooklyn en arrière-plan. Quelle longueur focale avez-vous utilisée ?
Soffer : Il s'agissait d'un Ultra Speed 150 mm, qui possède la plus grande longueur focale de cet ensemble, associé un extender 2x, donc cela donnait un 300 mm au total - et nous filmions à grande ouverture. Chapeau bas à la première assistante caméra Julia Kupiec ; ça n'a pas été facile pour elle !
Cette scène a été tournée avant, mais le rendu était bon. Nous voulions une profondeur de champ aussi faible que possible, tout en les gardant dans le cadre pendant tout le temps de la prise. Nous voulions filmer toute leur conversation en une seule fois. Nous avons également utilisé un long objectif pour la scène de leur première rencontre ; c'est un plan similaire, avec un long objectif qui filme la rue, et les deux se rejoignent dans le cadre et s'embrassent. Au début de leur rencontre, nous voulions vraiment souligner cette distance entre eux, comme s'ils n'étaient pas encore très proches.
L'attention portée aux détails donne aux personnages une impression de réalité et de vécu. Je pense au plan des pieds du couple dans le lit ; ce sont comme des moments fugaces qui resteront dans leur mémoire. Tyler et vous travaillez avec des storyboards ou un plan de tournage, ou trouvez-vous ces images le jour même ?
Soffer : Nous faisons une liste de toutes les scènes, mais qui laisse place à la découverte. Nous préparons un plan, mais nous sommes toujours ouverts aux changements et aux découvertes le jour même, à la recherche de petits moments, de plans ou d'angles. Notre plan de tournage est donc assez rudimentaire, et le placement spécifique de la caméra n'est pas décidé avant le tournage. Le plan de tournage indiquait « plan large », « plan moyen à deux », puis « plans de détail ». Certains détails étaient planifiés, mais pas les moments précis où ils apparaîtraient. Nous nous sommes adaptés au jeu des acteurs.
Nous voulions que ce soit très concret, sans faire quoi que ce soit qui puisse attirer l'attention sur la caméra. Donc c'était soit des prises de vue avec camera fixe, soit à la main. Nous avons été inspirés par Call Me By Your Name et Week-end, qui ont tous deux une façon de filmer formaliste et un style dépouillé.
Mais ensuite, dans le dernier plan, la caméra est fixée à l'extérieur de la voiture qui ramène Vincent à l'aéroport. La voiture transforme le plan en un « travelling ».
Soffer : C'était exactement notre intention. Nous avons gardé l’unique « travelling » pour le moment où Vincent s’en va. Ce mouvement signe leur séparation.
Les images sont une gracieuseté des réalisateurs. Photo d'Oren Soffer par Jessica DeNoia.