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La ferme de l'imagination

Le directeur de la photographie Simon Reay détaille l'approche classique de la série Apple TV+ Lovely Little Farm.

« Ma carrière s'est construite autour de nombreux genres, un parcours que je n'aurais jamais pu imaginer », déclare le chef opérateur Simon Reay. Avec des projets allant de la série Man vs. Wild au film Jurassic World: Fallen Kingdom, le travail de Reay se diversifie une fois de plus avec la série Apple TV+ Lovely Little Farm, qui suit les aventures des petites sœurs Jacky (Kassidi Roberts) et Jill (Levi Howden) et de leur ménagerie d'animaux de la ferme. 

Reay a travaillé avec Panavision Londres pour constituer son ensemble de caméras et d'objectifs pour la série. Le chef opérateur nous explique ici la manière dont il a mis en images ce projet. 

Panavision : Quel a été le processus de définition de l'esthétique de Lovely Little Farm ?  

Simon Reay : Le choix de l'esthétique s'est fait tôt dans la préproduction, avec le concepteur de production Marc Homes et les réalisateurs Jack Jameson et Matt René. L'ensemble de la ferme a été construit sur un site en pleine campagne ; les bâtiments, les champs de lavande, les routes et les arbres ont tous été imaginés et aménagés. Ma principale contribution à la conception du décor a été de demander que les bâtiments soient orientés vers le sud et qu'un petit groupe d'arbres soit planté à environ 200 pieds de la maison pour que je puisse cacher mon « soleil italien  ».  

Sur le plan photographique, l'esthétique a commencé à s'imposer lorsque nous avons démarré les séquences VFX de Quackety, un canard de synthèse parlant de 5 pouces qui est aussi un personnage principal. Jack, Matt et moi avons dessiné les planches de ces scènes de nombreuses fois afin d'être certains de le traiter de la même manière que n'importe quel autre membre de du casting, mais avant tout pour que ILM puisse budgéter ces scènes avec précision au fil des 16 épisodes. 

Comment décririez-vous l'esthétique de la série ?  

Reay : Apple voulait que la série soit intemporelle, non seulement dans l'aspect photographique mais aussi dans toute sa conception. Le décor et les accessoires ont un aspect vieilli et authentique. Les objets et meubles des personnages ont été entretenus et réparés ou recyclés. Il n'y a pas de technologie ni de plastique nulle part. Tous les costumes sont fabriqués à partir de fibres naturelles, jusqu'aux draps du lit.  

Mon approche visuelle consistait à filmer et à éclairer les décors et les personnages de manière naturelle, pour éviter de rendre les visages trop parfaitement sculptés ou harmonisés. Je voulais que l'éclairage soit légèrement accidentel, comme si nous étions arrivés sur les lieux et avions filmé ce qui se trouvait devant nous. Parfois, lorsque le soleil se faufile par une brèche, passe devant un arbre et traverse la pièce, quelle sensation !

Y avait-il des références visuelles particulières que vous avez consultées pour vous inspirer ?  

Reay : Lovely Little Farm est dans la même veine que le film Silkwood de Mike Nichols, sorti en 1983, au niveau de l'ambiance qui s'en dégage. Le sujet est totalement différent, mais il y a quelque chose de très respectueux envers les acteurs dans ce film, la façon dont nous les voyons à travers une caméra qui est souvent simplement posée sur un trépied. J'apprécie vraiment cette approche de la photographie de scènes. Le fait de choisir un unique endroit pour filmer donne une perspective au public et permet aux acteurs de bouger plutôt que la caméra. 

Lorsque les acteurs travaillent dans un espace avec le réalisateur et sans restrictions d'équipement ni idées préconçues, le climat et le rythme de la scène se dessinent d'eux-mêmes. Je trouve que le fait de regarder une scène avec les yeux, sans objectif, vous donne la sensation d'assister à une pièce de théâtre. Le réalisateur et moi regardons souvent la scène depuis différents endroits du plateau et discutons ensuite de l'intérêt de celle-ci et de l'endroit d'où nous pensons qu'elle doit être vue. D'autres configurations permettent d'embellir la scène, en misant sur les rythmes de l'histoire plutôt que sur la couverture de la prise de vue.

Cette façon de travailler nous a vraiment aidés à de nombreuses reprises, car elle est rapide et nous avions des acteurs très variés, souvent tous dans une même scène. La distribution était composée d'enfants, d'adultes, d'un alpaga et d'un poney avec des comédiens à l'intérieur, d'un vrai canard, d'un canard en images de synthèse fourni par ILM, d'un vrai âne, d'une tête d'âne à cinq barres, de moutons, de poules, de chèvres... la liste est longue ! L'intégration de tous ces personnages dans une scène a fonctionné parce que leurs répliques ont été données en tant qu'ensemble. 

Qu'est-ce qui vous a amené à Panavision pour ce projet ? 

Reay : Panavision est une entreprise très spéciale. C'est du sur mesure. Les employés sont bien organisés et aimables, et il y a toujours quelqu'un sur place qui a la réponse à votre question. L'équipement dont ils disposent est totalement unique ; j'aime cette impression de conception sur mesure. Je suis quelqu'un qui aime construire et concevoir des équipements, donc Panavision me convient très bien. 

Quelles sont, selon vous, les caractéristiques optiques des objectfs Primo que vous avez choisis pour Lovely Little Farm ?  

Reay : Les objectifs Primo sont merveilleux pour initier le rendu d'éclairage souhaité. Ils sont tout simplement parfaits. Je cherchais un zoom compact, et le PCZ 19-90 mm [T2.8] était idéal. Nous avons utilisé la fonction zoom à quelques reprises, mais le principal atout de cet objectif était sa simplicité. Le fait de devoir changer constamment d'objectif peut devenir un peu fastidieux, alors le simple fait de régler le zoom sur chaque longueur focale permettait de consacrer plus de temps à la réalisation. 

Notre forfait incluait aussi le zoom Primo 11:1 [SLZ11 24-275 mm T2.8] et une poignée d'objectifs primaires, y compris des options de mise au point rapprochée que nous avons principalement utilisées avec le périscope compact de Panavision. C'était un accessoire essentiel pour la prise de vue du caneton, car nous pouvions obtenir un angle subjectif sur un personnage de seulement 5 pouces de haut. 

J'ai tourné la plupart de la série en T4 jusqu'à 90 mm, puis progressivement en T11 au-delà de 200 mm.  Le T4 était parfait pour moi. Il permet aux acteurs d'avoir de l'espace pour travailler sans attirer l'attention sur les changements de mise au point. 

En quoi ce projet est-il différent des autres de votre carrière ?  

Reay : Au départ, je voulais tourner sur une pellicule 35 mm pour correspondre à l'esthétique classique et intemporelle qu'Apple souhaitait pour la série. Malheureusement, cela n'a pas été possible, mais cela m'a fait réfléchir à ce que j'aimais dans la prise de vue sur pellicule et à ma façon de travailler. J'ai constaté que sur pellicule, je changeais soudainement ma façon de voir les choses et examinais la scène en termes de gamme de tons et de valeurs d'exposition. Comme vous ne savez pas exactement à quoi ressemblera l'image, cela laisse la place à la surprise, un effet, quelque chose d'intéressant qui n'était pas prévu. C'est un peu comme si un réalisateur cherchait à ce que la performance d'un acteur surprenne et donne une toute autre dimension à une scène.  

C'est cet état d'esprit, cette excitation et ce sentiment d'être surpris qui m'avaient manqué avec le numérique. Je me suis senti un peu déçu en regardant les rushes numériques parce que je les avais déjà vus. Le seul moyen d'éviter de voir l'image sous forme numérique était d'utiliser une caméra avec un obturateur mécanique et un viseur optique : l'Alexa Studio. Panavision m'a fourni trois unités, j'ai alors travaillé exactement comme je l'aurais fait sur pellicule, ne voyant parfois l'image que le lendemain. C'est effrayant, mais passionnant !