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Pleine nature

Ari Wegner, ACS, témoigne de sa collaboration avec la réalisatrice Jane Campion pour le film Netflix The Power of the Dog, fourni par Panavision Auckland avec des optiques anamorphiques grand format Ultra Panatar.

La cheffe opératrice, Ari Wegner, ACS n'est pas étrangère aux lieux de tournage dramatiques. Pour le long métrage de 2013 Ruin, elle a travaillé dans la jungle cambodgienne ; les paysages retirés du drame de 2018 Stray ont été immortalisés en Nouvelle-Zélande ; et le film biographique de 2019 True History of the Kelly Gang a été tourné dans plusieurs endroits spectaculaires de la campagne australienne.

Son projet le plus récent, The Power of the Dog, de la réalisatrice Jane Campion ne fait pas exception. Tourné sur ce que Wegner décrit comme l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande d'une « beauté dévastatrice », le film se déroule en 1920 dans un ranch du Montana. Il raconte l'histoire de deux frères bien attachés à leurs habitudes. Lorsque l'un d'eux se marie et fait venir sa nouvelle femme et son fils pour vivre au ranch, cela bouleverse leur dynamique et ouvre la voie à un drame Western riche en émotions.

Depuis qu'elle a reçu le Lion d'Argent de la meilleure réalisatrice lors de sa première au Festival international du film de Venise de 2021, The Power of the Dog a reçu une multitude de récompenses, notamment des nominations aux Oscars, aux BAFTA et à l'ASC pour la cinématographie de Wegner. Wegner s'est récemment entretenue avec Panavision pour discuter de son approche du long métrage, pour lequel elle s'est procuré sa caméra et son ensemble d'objectifs - y compris les objectifs anamorphiques grand format Ultra Panatar de Panavision qu'elle a associés aux caméras Alexa LF et LF Mini - auprès du bureau Panavision d'Auckland, en Nouvelle-Zélande.


Panavision : Comment vous et Jane avez commencé à définir votre vision pour le film ?

Ari Wegner, ACS : nous avons collaboré pendant environ une année avant de commencer à filmer, nous avons donc eu suffisamment le temps pour créer une vision. L'idée de se préparer pendant longtemps et de ne pas prendre de décisions irréfléchies à un moment donné était très passionnante pour nous deux. Lors de notre préparation, nous sommes partis dans une petite maison pas loin du lieu de tournage et nous avons passé environ un mois ou un mois et demi à faire des listes pour le tournage. Nous avons discuté de ce que nous voulions faire visuellement dans une scène pour ensuite dessiner chacun quelque chose et comparer nos visions.

Lorsque nous sommes enfin arrivés sur le plateau, nous avons pu découvrir des choses en sachant que nous avions fait nos devoirs et que nous avions une base solide. Jane est toujours prête à trouver ce qui est mieux. Elle ne s'arrête jamais, c'est une vraie source d'inspiration. Elle est toujours prête à demander : « Même si c'est ce que nous avons prévu, est-ce que ça marche ? Est-ce bien ? » C'était un vrai plaisir de travailler ainsi.

 

Comment décririez-vous la vision du film ?

Wegner : Je dirais qu'il est un peu sobre, très réfléchi. Je ne sais pas si vous le décririez comme « classique », mais la réalisation et la lumière traditionnelles ont vraiment été respectées. Le mot « authentique » revenait sans cesse. S'il y avait quelque chose dont on pouvait se débarrasser, on le ferait. Si le tournage peut se faire sans mouvement, alors pourquoi bouger ? Si tout fonctionne avec moins de lumière, pourquoi en rajouter ? 

Il est important pour nous d'éviter que la caméra ne devienne émotionnellement manipulatrice. Nous ne voulions pas que la caméra ou la photographie convainquent le public qu'un personnage est bon ou mauvais. Ainsi, nous concevons toujours un cadre en sachant combien de temps il peut tenir dans le montage. Nous souhaitions faire un film avec le moins de coupures que possible, donc certaines de ces scènes sont vraiment longues. Si vous tenez une scène pendant une minute, elle peut être très différente de celle qui ne dure que 10 secondes.

 

Avez-vous été inspirés par des références visuelles lors de votre préparation ?

Wegner :Nous avons regardé de multiples références au cours de cette année, et elles étaient autant visuelles qu'elles permettaient d'apprendre à connaître la vie du ranch au Montana dans les années 1920. Nous n'étions pas vraiment intéressés par d'autres films - Je crois que nous souhaitions faire une production plutôt unique. Nous nous sommes donc inspirés de nombreuses photographies de l'époque et de peintres comme Andrew Wyeth ou Lucian Freud pour le minimalisme et une palette de couleurs sobre. Nous avons également découvert la photographe Evelyn Cameron, qui était Britannique mais vivait et travaillait dans un ranch au Montana lors du tournage du film. C'était incroyable de voir sa vision extérieure de la vie du ranch.

Qu'est-ce qui vous a amené à Panavision pour ce projet ?

Wegner :J'ai un peu travaillé avec Panavision dans le passé, depuis l'école de cinéma. Ce sont toujours mon premier choix. J'aime le fait que l'on peut trouver le soutien de Panavision où que nous soyons. Cela vous donne la sécurité et la force de savoir que vous ne serez jamais laissé en plan. Et le verre est toujours un facteur essentiel. Choisir les objectifs est une partie essentielle du processus, et il est très important d'avoir plusieurs options. En travaillant avec Panavision, il y a toute la gamme, du contemporain au vintage, du techniquement correct à ce que j'appellerais « funky ». Nous avons tourné avec l'anamorphique Ultra Panatar 1.3x, et c'est bien évidemment quelque chose que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

Comment en êtes-vous arrivés à la décision d'utiliser l'Ultra Panatar ?

Wegner :Nous avions initialement décidé de tourner au rapport hauteur/largeur 1.85:1, mais lorsque nous avons commencé la réalisation, nous avons constaté que nos réalisations sortaient des limites, et le film nous indiquait qu'il voulait être en écran large. En même temps, nous savions tous les deux que nous n'étions pas attirés par l'Anamorphique 2x. Ça semblait être plus ce que nous souhaitions. Quand j'ai mentionné l'Anamorphique 1.3x à Jane, c'était très passionnant pour nous, car ça fusionnait le meilleur des deux, sphérique et anamorphique. De plus, un regard vintage est toujours sympathique pour un film d'époque.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le langage de la caméra dans ce film ? Qu'est-ce qui vous motive à garder la caméra statique ou à ajouter du mouvement ?

Wegner : Nous voulions être préparés et avoir une bonne raison chaque fois que nous voulions faire bouger la caméra. Il fallait donc trouver l'emplacement idéal de la caméra et la laisser là pour chaque scène. Puis, lorsque vous voulez faire bouger la caméra, cela devient plus mémorable.

Il y a des moments où la caméra bouge avec un personnage, mais on ne ressent pas nécessairement un mouvement parce qu'on maintient un cadre - c'est différent d'un personnage qui reste immobile alors que la caméra bouge et que le cadrage change. Il y a des moments où la caméra bouge indépendamment des personnages, et on obtient une scène plutôt mémorable.

Par exemple, il y a une scène où Rose [Kirsten Dunst] est entrain de jouer au piano et Phil [Benedict Cumberbatch] l'imite avec son banjo. Lorsqu'elle s'arrête de jouer, la caméra se fige, et lorsqu'elle reprend, la caméra reprend son mouvement. Nous essayions d'être dans son esprit sans être trop manipulateurs. Il y a une autre scène importante à la fin du film avec Peter [Kodi Smit-McPhee] et Phil dans la grange. Nous avons utilisé un long objectif sur une Steadicam qui tourne autour d'eux, de sorte que l'arrière-plan bouge de manière à signaler au public qu'il s'agit littéralement de quelque chose qu'ils n'ont jamais vu auparavant.

Nous avons également eu quelques séquences dans une clairière sauvage, où nous voulions nous affranchir de ces règles et répondre à ce que faisait Benedict avec une caméra à main. Toute cette séquence est un véritable soulagement par rapport aux restrictions du ranch. Nous avons adoré cette sensation et nous l'avons apportée dans la maison. Ainsi, lorsque Phil est sans surveillance, la caméra est plus libre d'être curieuse et de répondre à ses besoins. Cela a donné naissance à quelque chose de spécial.

 

Où avez-vous tourné et comment avez-vous intégré les paysages dans le langage visuel du film ?

Wegner :Nous avons tourné sur l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Quand vous êtes dans un endroit si magnifique, il est de la responsabilité d'un chef opérateur d'essayer révéler sa beauté de sorte qu'il soit aussi épique que lorsque vous vous trouvez sur place. Nous voulions filmer les paysages de manière sensuelle, comme nous le ferions avec un corps allongé. Jane a souvent décrit les collines comme « sexy », une description qui leur est fidèle. Il était important pour nous d'attendre le bon moment de la journée, lorsque la lumière les éclairerait et en révélerait les contours. 

Voir les paysages à travers un téléobjectif était très satisfaisant visuellement - voir tous ces détails dans les collines et les montagnes, qui étaient incroyablement éloignées du ranch. Nous avons pu utiliser des objectifs beaucoup plus longs que ceux que j'aurais pu utiliser pour filmer en gros plan, et le résultat était épique. Jane adore les longs objectifs, et je suis vraiment tombée amoureuse d'eux aussi grâce à elle sur ce projet. Avant ce film, je n'avais pas vraiment apprécié le potentiel des longs objectifs dans la narration - le fait qu'ils nous permettent de superposer des couches non seulement pour le plaisir des yeux, mais aussi pour servir l'histoire.

J'aime aussi les effets d'un objectif long sur les personnes dans le paysage, en les faisant paraître de taille plus similaire à celle qu'elles auraient avec un objectif large. Une scène qui me vient à l'esprit est la première fois où Phil convainc Peter d'entrer dans la grange, qui est en quelque sorte la gueule du loup. Rose jardine au premier plan, et nous voyons Peter entre elle et Phil, décidant s'il doit aller avec sa mère ou avec cet homme. Dans une même prise, vous pouvez voir tout cela sans avoir à vous arrêter sur Peter, puis sur Phil, puis sur Rose, et il n'y a pas une énorme différence de taille entre eux, ce qui est vraiment satisfaisant. Vous pouvez avoir les relations spatiales et voir le langage corporel en une seule prise.

Le film inclut également de nombreuses prises macro, ce qui contribue également à l'impression d'immensité. On se concentre sur chaque petit détail, puis on reprend le grand plan. Le contraste entre les tailles des plans aide à faire ressentir que quand c'est gros, c'est gros. C'est l'idée d'expirer à nouveau, mais d'une manière différente, d'être dans un cadre claustrophobe et d'expirer ensuite. Nous avons également utilisé une prise vue image par image, qui est également épique - le soleil qui bouge, la terre qui tourne. Il y a un sentiment de grandeur et la nature est incroyable.

 

Photographie par Kirsty Griffin. Toutes les images sont reproduites avec l'autorisation de Netflix.