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Sensations fortes

Le chef opérateur Jeffrey Waldron nous parle des styles bien particuliers qu'il a contribué à créer pour Haunted Mansion et You Hurt My Feelings.

Le nouveau long-métrage Haunted Mansion, inspiré de la célèbre attraction du parc à thème de Disney, nous offre un spectacle à la fois drôle et effrayant. Racontant l'histoire d'une mère célibataire, Gabbie (Rosario Dawson), et du groupe éclectique qu'elle forme pour tenter de débarrasser sa nouvelle maison des fantômes qui la hantent, le film réunit le réalisateur Justin Simien et le directeur de la photographie Jeffrey Waldron, qui avaient déjà collaboré sur la première saison de la série Netflix de Simien, Dear White People.

Après les sensations fortes procurées par Haunted Mansion, Waldron a enchaîné avec la comédie dramatique You Hurt My Feelings de la scénariste et réalisatrice Nicole Holofcener, qui raconte l'histoire du couple marié Beth (Julia Louis-Dreyfus) et Don (Tobias Menzies) et les tensions qui pèsent sur leur relation après que Beth surprend son mari donner sa réaction honnête à son dernier livre. Ce passage d'un projet à l'autre a donné un coup de fouet créatif à Waldron, qui nous raconte les péripéties de son voyage dans cette interview.

Panavision : Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans ces deux projets ?

Jeffrey Waldron : Justin Simien et moi avons sympathisé lors de la première saison de Dear White People. Nous partageons un amour de l'histoire du cinéma et grande intuition visuelle. Lorsqu'il m'a parlé de Haunted Mansion, j'étais très enthousiaste, non seulement à l'idée de pouvoir tourner à nouveau avec Justin, mais aussi parce que j'adore l'univers visuel du manège original de Disneyland, dont le film est inspiré. Comme Justin, je venais du cinéma indépendant et de la télévision, j'ai donc travaillé dur pour montrer de quoi j'étais capable et présenter une vision globale du film.

Pendant la dernière ligne droite du tournage de Haunted Mansion, j'ai reçu un message de Nicole Holofcener avec qui j'avais tourné pour Mrs. Fletcher de HBO. Elle m'a demandé si j'étais disponible pour un film à New York. Ça m'a brisé le cœur de ne pas pouvoir le faire. Une fois le tournage de Haunted Mansion achevé, j'ai demandé comment cela s'était passé, et elle m'a dit que le projet avait été retardé. Soudain, nos dates correspondaient et nous avons finalement fait You Hurt My Feelings ensemble.

Comment décririez-vous l'esthétique que vous avez cherché à créer pour chaque film ?

Waldron : Et bien, ce sont des esthétiques très différentes !

Pour Haunted Mansion, nous voulions créer un monde riche, basé sur les éléments visuels de l'attraction. Pour moi, cela signifie beaucoup de contraste entre les couleurs chaudes et froides, beaucoup de sources lumineuses concrètes, de bougies, de feux de cheminée, de rayons de lune, et une ambiance douce, poussiéreuse et picturale. Le film comporte un certain nombre d'autres aspects, allant d'un flashback raconté à travers une boule de cristal, au « royaume des fantômes » : un plan astral peint avec des couleurs sombres qui s'inspirent de nombreux éléments, des négatifs de films au Vertigo d'Hitchcock.

Le scénario de You Hurt My Feelings a réussi à équilibrer un flux très naturel avec une pointe de satire. Mon approche est partie de là : un réalisme adouci, éclairé par des sources du monde réel, mais rehaussé pour mettre l'accent sur le drame ou la légèreté, en parallèle avec les personnages. Nous avons tourné beaucoup d'extérieurs à New York au printemps, ce qui correspondait bien à cette approche douce et pastel. J'aime à penser que le résultat est naturel et réaliste, mais qu'il est filtré par la voix nuancée de Nicole, qui a écrit et réalisé le film.

Quelles références visuelles particulières vous ont inspirées pour ces deux projets ?

Waldron : Pour Haunted Mansion, Justin et moi avions de nombreuses références : Hitchcock, The Twilight Zone, The Cincinnati Kid, ou encore des photographies de rue de la Nouvelle-Orléans. J'ai étudié les références d'éclairage de Crimson Peak et des films de Tim Burton comme Beetlejuice et Alice au pays des merveilles. Je dirais que la référence visuelle la plus importante pour tous les corps de métiers était généralement le manège lui-même. Comment le film a-t-il trouvé l'équilibre entre épouvante et humour, et comment intégrer cet équilibre dans un film à la fois intemporel et moderne sur le plan visuel ?

Pour You Hurt My Feelings, j'ai rassemblé environ une page d'images que j'avais obtenues auprès de photographes de la ville de New York, ainsi que quelques petits films personnels aux tons pastel et doux, mais qui donnaient une sensation de réel. Nicole les a consultés et a immédiatement senti que nous allions dans la même direction, puis elle a commencé à préparer le film.

Plutôt que d'essayer de reproduire l'ensemble de l'esthétique, il y a souvent une petite chose que j'aime dans chaque référence. Je m'inspire des photos pour trouver une teinte de vert ou un cyan que j'aime, ou un type de cadrage spécifique, par exemple. Plutôt que de regarder quelques images en entier, je préfère en rassembler plusieurs qui contiennent chacune un ou deux éléments dont je vais m'inspirer.

Qu'est-ce qui vous a amené à Panavision pour chacun de ces projets ?

Waldron : Lors des premiers essais pour Haunted Mansion, pendant qu'ils construisaient les décors, j'ai pris un appareil photo et quelques objectifs. Lorsque nous avons transposé ces images sur le projecteur pour que Justin les voie, l'anamorphique nous a tout de suite semblé idéal : la façon dont l'image se courbe et tombe, cela donne un effet très... hanté ? Dès le départ, j'ai eu beaucoup d'ambition pour le film en termes d'objectifs. Je savais que Panavision disposait d'une longue expérience en matière d'optiques anamorphiques, qu'elle était capable de les adapter ou de les modifier, et qu'elle avait une capacité d'organisation herculéenne pour mettre tout cela en place dans les temps.

Concernant You Hurt My Feelings, c'était un film de Tier 1 avec peu d'argent pour une caméra, et j'ai demandé de l'aide à Sal [Giarratano] de Panavision New York !

Vous avez utilisé plusieurs types d'optiques pour Haunted Mansion. Comment avez-vous déterminé la série à utiliser pour une scène donnée ?

Waldron : Je voulais différencier le monde réél, que nous avons filmé avec la Série T ; l'histoire de la boule de cristal de Madame Leota, filmée avec un objectif anamorphique spécial « portrait » ; et le royaume des fantômes, qui a été filmé avec la Série G modifiée. Chacun d'entre eux avait parfaitement sa place dans la narration. Les Ts sont plus classiques et plus soignés. Associés à un léger filtrage, ils ont été parfaits pour la plupart de nos scènes. Les objectifs portrait présentaient des taches lourdes et vitreuses tout autour de l'ovale anamorphique, ce qui convenait parfaitement à une histoire que nous regardons se dérouler à travers une boule de cristal. Et les G modifiés ont apporté beaucoup de distorsion anamorphique, d'aberration, de mise au point et de vignettage pour notre aperçu du royaume des fantômes. Nous avons également utilisé des Primo 70s pour les éléments VFX qui devaient être filmés de manière très propre.

Pour You Hurt My Feelings, qu'est-ce qui vous a amené vers les objectifs Primo ?

Waldron : Je voulais un ensemble d'objectifs simples et complets qui se situe entre les objectifs anciens et les objectifs modernes très nets. Les Primos ont une qualité très humaine tout en étant optiquement solides. Nous avons procédé à un léger ajustement pour ajouter un peu de diffusion dans l'objectif et apporter un soupçon d'éblouissement de réflexion pour jouer avec notre doux naturalisme.

Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir directeur de la photographie et qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui ?

Waldron : J'ai toujours aimé rassembler des images mémorables à partir de leurs composantes visuelles afin de former quelque chose d'unique. Quand j'étais enfant, je voulais donner des cours de dessin, puis j'ai évolué vers la photographie et, à l'adolescence, j'ai voulu devenir chef opérateur. Le monde qui nous entoure m'inspire chaque jour : la façon dont la lumière passe à travers mes fenêtres, la couleur d'un jour de pluie... mais je suis surtout inspiré par le travail de mes pairs. Chaque jour, de nouveaux travaux montrent que la cinématographie est jeune et sans limites, qu'elle a été initiée par les plus grands, mais qu'elle est en constante évolution.

Haunted Mansion photographie de tournage par Jalen Marlowe ; photos et prises de vue reproduites avec l'aimable autorisation de Disney.

You Hurt My Feelings photographie de tournage de Jeong Park, avec l'aimable autorisation de A24.

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