Passer au contenu principal

Vérités cachées

Le chef opérateur Trevor Forrest nous parle de la combinaison de la caméra Millennium DXL avec les optiques Primo 70 pour la série Tell Me Your Secrets.

La série de 10 épisodes Tell Me Your Secrets relate les histoires de trois personnages aux destins liés dont le passé trouble a les fait dériver du droit chemin. Après un séjour en prison dû à sa relation avec un tueur en série, Karen (Lily Rabe) a obtenu le statut de témoin protégée et a reçu une nouvelle identité, Emma Hall. En parallèle, Mary (Amy Brenneman), soucieuse de retrouver sa fille disparue depuis longtemps et probablement décédée, confie à John (Hamish Linklater) la mission de retrouver la trace de Karen. Cette mission l'oblige à naviguer entre son désir d'expier son passé sordide et celui de céder à ses instincts criminels.

« Lily jouait en réalité deux personnes, on a donc deux portraits de la même personne, ce qui était notre point d'entrée dans le thriller psychologique que nous avions entre les mains », explique le chef opérateur Trevor Forrest, qui a partagé ses fonctions sur le pilote avec Denis Lenoir, de l'ASC et de l'AFC. « En temps que témoin protégée, elle a une maison, mais ce n'est pas sa maison. Elle ne peut pas être elle-même, alors ça devient un autre type de prison. C'était vraiment excitant de jouer avec ça. »

En collaboration avec Panavision New Orleans, qui a fourni un ensemble de caméras Millennium DXL et des objectifs grand format Primo 70, Forrest et John Conroy, de l'ISC, se sont relayés pour le reste de la série, Forrest s'occupant des épisodes pairs et Conroy des autres. En se référant aux précédentes séries de Conroy (par exemple Broadchurch, Luther et Penny Dreadful) Forrest s'enthousiasme : « John est le spécialiste des thrillers ! »

Les prises de vues principales ont eu lieu à la Nouvelle-Orléans et ses environs pendant la seconde moitié de 2018 et début 2019, avec huit à 10 jours de tournage par épisode « selon l'échelle », précise Forrest. Initialement produite pour la chaîne TNT, la série a finalement atterri sur Amazon Prime Video, où elle est maintenant disponible en streaming. Panavision a rencontré Forrest peu après la première de la série.

Panavision : comment avez-vous été amené à participer à cette série ?

Trevor Forrest : J'ai passé un entretien. Harriet Warner, la directrice de la série, avait vu un film intitulé Christina Noble que j'avais tourné au Vietnam et en Irlande et qui comportait des flashbacks et des décalages temporels. Elle a aimé le travail d'époque, et c'est en partie la raison pour laquelle j'ai décroché cet entretien. L'autre coup de pouce est venu de Sarah Aubrey, qui est maintenant à la tête de la [programmation originale] de HBO Max. On venait de réaliser [la série TNT] I Am the Night, et je m'entendais très bien avec elle et la directrice de production Meredith Zamsky. Elles ont eu des mots encourageants à mon égard, et elles m'ont donné la confiance nécessaire pour me lancer à fond. Je me suis dit : « Si je ne le fais pas, je vais le regretter. »

Quand je suis allé à l'entretien, je savais qu'ils avaient tourné un pilote mais qu'ils en retravaillaient une partie. On m'a donné quelques mots-clés sur leurs attentes : « épique et intime ». J'essaye toujours de garder à l'esprit cette ligne directrice. J'avais donc toute une banque d'images, des choses que j'avais photographiées moi-même ou que j'admirais dans d'autres films, avec lesquelles j'ai élaboré un montage pour illustrer mes idées. C'est là que j'ai insisté pour avoir le DXL. J'avais très envie de tourner avec une caméra grand format. Cela m'a enthousiasmé en tant que photographe et chef opérateur. Le grand format n'était pas la norme à l'époque, alors dans mon montage, j'ai montré la différence entre une photographie 35 mm et une photographie de moyen format. Nous avons fini par tourner avec le DXL et le capteur complet, mais au lieu du 8K, nous avons seulement enregistré en 2K ProRes 4:4:4:4, ce qui était une exigence de la chaîne TNT.

C'était génial de tourner en grand format avec le DXL, parce qu'on pouvait capturer ces paysages incroyables qui donnent une impression d'épopée - nous avons tourné en T11 pour les paysages, avec une mise au point profonde pour mettre en valeur l'univers des marécages et les cieux orageux - et ensuite on pouvait baisser la caméra, la mettre sur une épaule, nous asseoir sur un tabouret en face de Lily, et se concentrer sur son visage.

Lorsque la caméra est proche des personnages, la faible profondeur de champ les place dans ce qui ressemble à un océan de secrets - elle donne une forme visuelle aux vérités cachées qui entourent chacun d'eux. Même dans un plan inversé, l'acteur du premier plan sera complètement hors champ, suggèrant que ces personnages sont inconnus les uns des autres.

Forrest : Au moment d'aborder ce projet avec le grand format, j'ai discuté avec Harriet et le réalisateur John Polson de la façon dont le son devait être pareillement « hors champ ». On voulait que l'asmosphère se referme puis que la respiration de Lily survienne pour faire la transition entre le monde extérieur et ce monde intérieur. Cette couche émotionnelle ainsi que tous les outils de narration était importants pour que ça fonctionne.

Qu'est-ce qui vous a amené à associer le DXL aux optiques Primo 70 ?

Forrest : J'en avais beaucoup entendu parler, et c'est la marque Primo, que je connais bien. C'est comme un vieil ami : je sais exactement comment il va se comporter. Ils sont très solides. Je peux emmener des Primos partout et faire n'importe quoi avec eux. Même si je n'avais jamais utilisé les 70 auparavant, j'avais déjà utilisé des éléments Primo à de nombreuses reprises sous différentes formes.

Je savais qu'on allait devoir travailler rapidement (on utilisait deux caméras en permanence) et je savais que je voulais un objectif qui fonctionne aussi bien en T8 qu'en T2. Je savais que ces objectifs allaient convenir, et qu'ils correspondraient au Primo 11:1 [longueur focale de 24-275 mm].

Aviez-vous des préférences en matière de longueurs focales dans votre ensemble d'objectifs ? 

Forrest : Notre objectif principal était un 50 mm, et on passait à un 35 mm ou un 100 mm pour les scènes où il y avait plus d'action ou pour isoler Emma et s'approcher d'un détail - bien qu'on utilisait les dioptries sur le 50 mm avant de passer sur le 100 mm. La caméra B gardait une configuration similaire, allant parfois vers quelque chose de plus long si on avait besoin de les éloigner pour un plan particulier.

Comment l'ISO 1600 natif du DXL a-t-il influencé votre manière de gérer l'éclairage la série ?

Forrest : On a utilisé beaucoup de filtres ND à la Nouvelle-Orléans ! Nous avons utilisé l'ISO 800 de nombreuses fois, mais on a surtout utilisé le 1600, en particulier pour les scènes de nuit et pour capturer les tons du crépuscule. Sur certains de nos sites, on pouvait à peine voir une lumière à un kilomètre de distance sur une route boueuse, mais on a tout de même pu filmer en profondeur. Donc le 1600 a changé la donne. Quand on était dans les marais, on est même allés jusqu'à 2400, ce qui était génial.

Combien de temps avez-vous eu pour vous préparer avant de commencer à tourner ?

Forrest : J'ai eu environ quatre semaines. John Polson était déjà sur le terrain, ce qui était une bonne chose. J'ai passé une semaine à la maison à lire des scripts et à lui soumettre mes idées. Une fois à la Nouvelle-Orléans, je photographiais dès que je pouvais, matin et soir. John voulait donner de l'ampleur aux paysages de la Nouvelle-Orléans. L'humidité de la pluie du matin, la brume qui se dégageait de la route... on voulait commencer à intégrer tous ces éléments dans l'histoire pour créer de la texture. Je restais constamment en observation.

Avez-vous partagé des références visuelles avec John Conroy lors de la conception du look ?

Forrest : J'ai partagé mon montage de référence, et il s'est inspiré de choses qu'il avait déjà faites auparavant, comme Penny Dreadful et Broadchurch. Ce projet était un partage entre deux chefs opérateurs. C'est un travail de conception en quelque sorte ; vous devez créer quelque chose de clair que vous pouvez transmettre à quelqu'un d'autre. C'est quelque chose que j'ai appris de Matt Jensen [ASC]. Il l'avait fait pour moi avec I Am the Night en me disant : « Voici les pellicules, Cyan 60 sur toutes les HMI de nuit, objectifs PVintage, et focales légèrement plus larges pour les portraits. » Ce sont juste des indications visuelles de base, et ensuite à vous de jouer. J'ai donc remis à John cette première version du DXL, des paysages épiques, des portraits intimes, et les débuts des flashbacks, que John a poussés plus loin parce qu'ils avaient lieu le plus souvent dans ses épisodes. C'était chouette la façon dont tout s'est enchaîné, les épisodes pairs et impairs ayant leur propre caractère. La duplicité de Karen et Emma a été reproduite dans ce passage de témoin d'un épisode à l'autre.

John est un gars tellement gentil, jovial et talentueux. On était tous les deux sur la même longueur d'onde lorsqu'il s'agissait de faire monter le suspense et de resserrer l'étau du thriller. On a établi une charte en termes de mouvements plus manuels ou plus cinétiques, d'objectifs plus serrés ou de plans plus rapprochés, et nous avons intensifié ces niveaux [au fur et à mesure que la série progressait]. Dans le genre du thriller, nous voulions quelque chose de présent et d'insidieux, nous étions donc en mode studio la plupart du temps jusqu'à ce que les choses tournent mal dans les épisodes 8 et 9, puis tout est passé à la main.

Le DXL faisant partie de votre plan depuis le début, vous saviez dès le départ que vous vouliez faire équipe avec Panavision pour cette série. Hormis la caméra, qu'est-ce qui vous a fait revenir ?

Forrest : Panavision m'a toujours bien accueilli, alors je m'y sens très à l'aise. Au début, j'étais deuxième assistant opérateur et assistant de beaucoup de gens, et Hugh Whittaker [de Panavision Londres] m'a montré comment charger un magasin quand j'avais environ 21 ans ! J'étais aussi un artiste avant d'être chef opérateur - j'étais peintre, sculpteur et photographe - et j'ai toujours eu envie de créer quelque chose qui vous rapproche de l'histoire, et c'est ce que Panavision me permet de faire. De plus, il s'agit d'une entreprise mondiale, donc si vous voulez quelque chose d'une autre partie du monde, elle vous l'enverra. C'est une famille très soudée.

Images gracieusement offertes par Amazon Studios.