Mihai Malaimare Jr. à propos de la cinématographie de The Hate U Give

D’abord une nouvelle, puis un premier roman destiné aux jeunes adultes, et maintenant un long métrage, The Hate U Give est né des expériences d’Angie Thomas. Le récit incorpore des incidents impliquant de jeunes Afro-Américains avec les forces de l’ordre, dont beaucoup sont injustes et certains même fatals. Le roman a fait son entrée à la première place de la liste des best-sellers du New York Times en février 2017, et le film a été présenté pour la première fois au Festival international du film de Toronto moins d’un an et demi plus tard.

Pour la version cinématographique, le réalisateur George Tillman Jr. et le chef opérateur Mihai Malaimare Jr. ont cherché à créer une distinction claire entre les deux mondes habités par le personnage principal Starr Carter - l’école privée à prédominance blanche qu’elle fréquente et le quartier où elle habite.

Malaimare avait récemment tourné une publicité avec la caméra Panavision Millennium DXL équipée d’objectifs anamorphiques Ultra Panavision 70 1,3x, affirmant qu’il avait été « époustouflé » par le rendu. Pendant la préparation, lui et Tillman ont vu une publicité pour Procter & Gamble intitulée « The Talk », qui a été tournée en anamorphique par Lasse Frank. Ce spot dépeignait des conversations difficiles sur le racisme entre des parents noirs et leurs enfants sur plusieurs décennies.

« La publicité est incroyablement puissante », déclare Malaimare. « Cela nous a montré qu’il est possible de raconter une histoire à la fois forte et intime en anamorphique. Nous avons pensé que cela nous donnerait la meilleure ambiance pour le quartier de Starr, et que la compression de 1,3x et le grand capteur faciliteraient le passage au mode sphérique pour le monde des écoles privées. Nous savions que notre approche de la conception et de l’étalonnage de la production nous aiderait également à rendre l’école privée plus froide et le quartier plus chaleureux. »

Les transitions étaient parfois adoucies par l’utilisation d’objectifs sphériques russes Helios, des objectifs de photographie fixes dont Malaimare se souvenait lorsqu'il fréquentait l’école de cinéma en Roumanie. « Ils présentent une certaine distorsion et une certaine déformation que l'on ne retrouve pas vraiment dans les objectifs modernes », explique-t-il. « Dan Sasaki de Panavision nous a aidés à trouver les deux longueurs focales les plus intéressantes et les plus utiles. Nous les utilisions souvent au début ou à la fin d’une scène, juste avant ou après le passage à l’anamorphique. »

Panavision a également fourni les optiques sphériques Primo 70, ainsi que le verre Ultra Panavision 70 utilisé pour le squeeze 1,3x, qui sont des objectifs remis à neuf construits à l’origine il y a plus de 50 ans et sortis de leur retraite par Robert Richardson ASC sur The Hateful 8. Le capteur du Millennium DXL fournit une immense toile qui modifie l’angle de vue pour une distance focale donnée et confère à l’image une grandeur que les chefs opérateurs considèrent comme plus proche de la vision humaine. L’image 1,3x remplit le grand capteur de la DXL, tandis que les scènes sphériques ont été réalisées en extrayant une image 2.39:1 du centre.

« Ce qui m’a époustouflé dans cet appareil photo, c’est la reproduction des tons de peau », explique Malaimare. « L’image est tellement plus agréable. Pour moi, il était important de tester dans quelle mesure je pouvais augmenter ou diminuer l'exposition tout en récupérant l'image. Je pouvais surexposer de quatre diaphragmes et quand même récupérer l'image, sans que personne s'en rende compte. Dans les ombres, la baisse est assez radicale, ce qui m'a plu. Cela signifie que l'on peut revenir à l'ancienne façon de faire les choses et éclairer les scènes avec une approche plus classique. Au lieu de filmer avec deux lampadaires et une bougie, nous pouvons travailler avec plus d’intention.

La question du mouvement de la caméra a été résolue en se concentrant sur le point de vue de Starr. « Nous avons essayé de trouver une règle pour savoir quand filmer à main levée et quand filmer avec Steadicam », explique Malaimare. « Une fois que nous avons réalisé que nous devions laisser le personnage de Starr guider nos mouvements de caméra, il est devenu très facile pour nous de décider quand nous voulions passer à la caméra à la main pour la suivre ou rester plus statiques. »

Cette approche a conduit les réalisateurs à utiliser des caméras corporelles portatives et des caméras de tableau de bord pour montrer l’intérieur de la voiture, toujours du point de vue de Starr. Nous ne voyons pas les flics, et nous ne sortons pas de la voiture, jusqu’à ce qu’elle le fasse.

Malaimare note l’ironie de l’utilisation d’une caméra de cinéma professionnelle à la pointe de la technologie avec des objectifs vintage choisis pour leurs défauts et imperfections distinctifs. « Quand j’étais étudiant en cinéma, je me souviens de l’objectif 58 mm Helios des appareils photo russes Zenit, et je me disais que je les détestais », dit-il en riant. « J’aurais aimé avoir un Nikon 50 mm pour pouvoir prendre de meilleures photos. Maintenant, j’apporte toute cette folie au capteur numérique. Je n’ai jamais été intéressé par l’idée que le numérique ressemble à l'argentique. Ce sont deux choses différentes, et si vous l'acceptez, elles peuvent toutes deux être étonnantes. »

Crédit photo : Erika Doss, Daniel McFadden