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Polly Morgan, ASC, BSC à propos du long métrage Where the Crawdads Sing

Le monde naturel : Polly Morgan, ASC, BSC parle de sa collaboration avec la réalisatrice Olivia Newman et de leur choix concernant les optiques employés sur le long métrage Where the Crawdads Sing.

Basé sur le roman policier à succès du même nom, le long métrage Where the Crawdads Sing raconte l'histoire de Kya (Daisy Edgar-Jones), une jeune femme qui a grandi isolée dans les marais de Caroline du Nord et est impliquée dans un meurtre. Réalisé par Olivia Newman, le film a été tourné par la cheffe opératrice Polly Morgan, ASC, BSC, dont la longue histoire de travail avec Panavision remonte aux jours où elle était assistante de production à Londres. Panavision a récemment parlé avec Morgan de sa collaboration avec Newman et de leurs choix d'optiques pour ce long métrage.

Panavision : Qu'est-ce qui vous a attiré dans Where the Crawdads Sing ?

Polly Morgan, ASC, BSC : J'ai lu le livre pendant l'été 2020, durant la pandémie. J'étais enceinte, et quand j'ai entendu parler de cette jeune fille qui grandissait seule dans la nature, cela a vraiment résonné en moi et dans mon expérience d'enfant. J'ai grandi dans une campagne anglaise reculée, dans une vallée au bord d'une rivière. La route de campagne qui menait à notre ferme était longue d'un kilomètre et demi et totalement hors des sentiers battus. Je passais beaucoup de temps au bord de la rivière et je me promenais seule dans les bois. Je me suis profondément retrouvée dans l'histoire de Kya, son amour de la nature et sa résilience pour réussir, peu importe les difficultés rencontrées.

Comment vous êtes-vous retrouvée impliquée dans le tournage du film ?

Morgan : Après avoir eu mon fils en octobre [2020], mon agent m'a dit qu'ils allaient faire un film à partir du livre. Elle a essayé pendant longtemps de m'obtenir une entrevue avec la réalisatrice, mais je n'étais pas sur la liste des DP que le studio recherchait. N’ayant pas d’autre option, j'ai écrit une lettre à Livi, lui exprimant à quel point j'aimais le livre, ce qu'il signifiait pour moi et à quel point j'aimerais qu’on travaille ensemble pour donner vie à cette histoire.

Après avoir reçu ma lettre, nous avons organisé un appel Zoom et avons ensuite parlé pendant des heures. J'avais préparé un dossier de présentation montrant des sources d'inspiration et des idées pour les visuels, et nous étions exactement sur la même longueur d'onde. En fait, elle m'a montré le dossier qu'elle avait créé lors de son entretien pour ce travail, et ils étaient très similaires.

Après ma rencontre avec Livi, j'ai dû passer par une série de réunions avec des producteurs et des dirigeants de studio. ​​​​​​​Je pense qu’ils avaient une certaine appréhension parce que je ne pouvais pas leur montrer beaucoup de travail sur la nature dans le matériel que j'avais tourné auparavant ; dans ce métier, à moins que vous n'ayez déjà prouvé que vous pouvez faire quelque chose, les gens craignent que vous ne puissiez pas le faire. Heureusement, ils ont réagi au dossier que j'avais assemblé, et quand j'ai discuté de nos plans pour les mouvements de caméra, ils se sont sentis rassérénés.

Quand ils m’ont appelée pour me dire qu’ils me proposaient le poste, cela m’a bouleversée. J'étais vraiment heureuse de travailler avec Livi et ravie de pouvoir créer les images que j'avais imaginées en lisant le livre.

Pouvez-vous décrire le dossier de présentation que vous avez créé ?

Morgan : J'ai organisé le dossier en fonction de la couleur et de la manière dont différentes couleurs et contrastes pouvaient jouer dans la vie de Kya. J'ai mis en évidence la différence de contraste et de couleur dans la salle d'audience et la prison d'aujourd'hui avec celles des années 1950, 60 et 70, depuis l’enfance de Kya en passant par sa vie de jeune femme. Mes références étaient basées sur le besoin d’apporter d'une manière subjective le monde naturel dans l'expérience du spectateur afin de le connecter émotionnellement à l'histoire. J'ai utilisé des références des [films de] Terrence Malick, Jane Campion et David Lowery, des images axées sur le jeu de la lumière et des détails discrets. Le concept était de faire un film commercial qui serait cependant artistique et avec un équilibre entre étendue et intimité.

Comment décririez-vous le look que vous et Olivia Newman souhaitiez pour le film ?

Morgan : Je suppose que c'est du naturalisme cinématographique. Le look est très doux et joli. Nous avons adopté une palette de couleurs pastel et créé une LUT neutre très fidèle aux couleurs créées par la production et les costumiers. Il y a tellement de verdure dans le cadre que nous avons tenu à l'écart toute chaleur qui aurait ajouté du jaune et donné aux verts un ton numérisé et artificiel.

Mon approche pour l'éclairage était de toujours m'assurer que les ombres contiennent des détails, sans noirs riches et profonds. Le paysage nocturne peut très rapidement disparaître, j’ai donc caché les luminaires loin en arrière-plan pour m’assurer qu’il y avait toujours des détails dans l’image et que le contraste resterait doux tout au long du processus de post-production.

Livi et moi avions une idée très précise de la façon dont nous voulions déplacer la caméra et cadrer l'image. Nous voulions faire des choses qui nous soient plus personnelles, comme certains angles qui rappelaient émotionnellement les sentiments internes de Kya. Nous avons joué avec la mise au point et divers modes d’assistance à la caméra. Le texte du livre est très lyrique, et nous voulions que le mouvement de la caméra reflète cela. Nous avons utilisé un Steadicam et divers bras pour déplacer la caméra tout en gardant une tête télécommandée sur la dolly et en suivant toujours l'action sur le plancher ou sur les rails. La caméra portative a également été utilisée pour les scènes plus intimes et émotionnelles.

Vous avez fini par utiliser pour ce film un nouvel ensemble de prototypes d'objectifs sphériques grand format de Panavision. Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir ces objectifs pour créer le look que vous vouliez ?

Morgan : Dan Sasaki [vice-président senior de Panavision chargé de l'ingénierie optique et de la stratégie en matière d'objectifs] m'avait contactée pendant le Covid, et nous avions parlé d'un film indépendant que j'allais faire et qui parlait d'une femme qui courait dans la campagne. Je savais que je ne pourrais pas contrôler la lumière, alors j’avais cherché des objectifs plus doux pour que la lumière naturelle ne soit pas si dure sur le visage de l'actrice. Il avait mentionné certains prototypes qu'il construisait et m’avait dit qu'ils pourraient très bien fonctionner.

Je n'ai jamais tourné ce film, car j'attendais mon bébé au moment où il s'est fait, mais quand j'ai parlé à Livi, nous avons parlé d'objectifs, et je savais que les verres de Dan conviendraient parfaitement. Je savais que je voulais tourner le film en grand format pour embrasser un champ plus large, et je savais aussi que les objectifs anamorphiques l'empêcheraient.

J'ai emmené Livi à Panavision à Woodland Hills pour discuter avec Dan. Nous avons examiné une variété d'objectifs et il nous a montré les prototypes. Ces objectifs avaient des aspects intéressants et uniques que je recherche toujours dans les verres. J'ai tendance à m'orienter vers des optiques qui ne sont pas parfaites mais qui ont des qualités uniques - Dan qualifie souvent ces types d'objectifs de « garnements ». Chaque objectif de l'ensemble avait des qualités uniques et sa propre personnalité. J'ai aimé le 28mm pour une narration plus « onirique » et le 40mm pour le portrait.

En plus du look, ces prototypes étaient très légers. Comme je voulais que la caméra puisse toujours bouger, je savais que j'utiliserais le DJI Ronin [stabilisateur portatif], qui fonctionne mieux lorsque le système de caméra n'est pas gêné par son poids. Avec les prototypes associés à Alexa Mini LF, nous avons pu bouger rapidement et rester flexibles.

La réalisatrice Olivia Newman cherche un cadre pour filmer l'actrice Daisy Edgar-Jones.

Tommy Maddox-Upshaw, ASC, qui a tourné une grande partie de la série The Man Who Fell to Earth, a utilisé une autre génération de ces prototypes et a déclaré que les couleurs qu'ils apportaient étaient très riches, et qu’il y avait un arrondi de l'image qui s'est avéré excellent pour les portraits. Qu'avez-vous découvert sur les prototypes lors des essais puis lors du tournage ?

Morgan : Je suis tout à fait d'accord à propos de l'arrondi. Le falloff autour des sujets était magnifique, tout comme la distorsion sur les bords du cadre. Lorsque nous avons fait les tests avec Dan, nous avons considéré les objectifs anamorphiques, et il y avait certains aspects des anamorphiques que nous aimions vraiment, mais nous savions que le format anamorphique n'allait pas convenir au film. Les prototypes sphériques fonctionnaient beaucoup plus comme des objectifs anamorphiques en ce qui concerne aussi bien le falloff, faisant ressortir les sujets lorsqu’ils entraient ou traversaient le cadre, que la distorsion. Les qualités anamorphiques ajoutaient aux objectifs un effet 3D, où les personnages sont tirés hors de leur environnement, ce qui rappelle l’aspect du portrait. Au lieu que tout ait l’air plat, il y avait beaucoup de profondeur parce que le sujet ciblé se détachait et tout le reste s’atténuait merveilleusement bien.

Comment mesureriez-vous l'expérience du tournage de ce film par rapport à celle de vos autres ouvrages ?

Morgan : Ayant fait [la série] Legion, qui est incroyablement stylisée, et aussi [les longs métrages] Lucy in the Sky et A Quiet Place Partie II - une science-fiction puis un thriller d'horreur - le studio craignait que je n'aie pas filmé la nature auparavant. Ils voulaient un film avec une atmosphère très commerciale. C'était une nouvelle expérience pour moi de créer un look qui réponde à leurs consignes tout en gardant une ambiance artistique et émotive qui me semblait juste pour cette histoire.

Je pense que l'aspect le plus difficile de Crawdads était la grande quantité de travail en extérieur de jour dans le climat agité de la Louisiane. Une grande partie se trouvait dans des endroits très éloignés ou sur l'eau, donc je ne pouvais utiliser aucun outil pour aider à adoucir la lumière. Je devais compter sur une bonne planification des scènes au bon moment - et aussi sur un peu de chance !

Photographie de l'unité par Michele K. Short. Toutes les images sont reproduites avec l’aimable autorisation de Sony Pictures Entertainment.